Vous êtes salarié depuis quelques années et vous souhaitez créer votre entreprise ? La législation française permet de créer son entreprise en maintenant son contrat de travail sans rémunération grâce au congé pour création d’entreprise. Une année de congé avec l’objectif de monter son affaire, le salarié reste libre de réintégrer son entreprise initiale si son projet entrepreneurial ne fonctionne pas, ou de la quitter sans préavis dans le cas contraire. Pourtant les conditions du congé pour création d’entreprise ne sont pas toujours connues ni évidentes. De ce fait, elle peut devenir rapidement un gouffre financier plus qu’une expérience entrepreneuriale prospère.
Le salarié et son employeur
Il y a trois conditions à remplir (articles L3142-78 et suivants du Code du Travail) :
Etape 1 : Le salarié doit notifier à l’employeur sa demande de congé pour création d’entreprise :
Exemple : Thomas souhaite prendre un congé pour création d’entreprise à partir du 8 juin 2015. S’il a envoyé sa lettre le 15 mai, il ne pourra pas bénéficier du congé. S’il l’a envoyée le 5 avril, ce sera possible.
Exemple : Thomas précise que le congé commencera le 8 juin 2015 et se terminera le 8 juin 2016, soit une durée de 12 mois.
Etape 2 : La réponse de l’employeur :
Etape 3 : En cas de refus, le salarié dispose de 15 jours à la réception de la lettre pour contester la décision de l’employeur.
C’est donc une procédure très réglementée qu’il faut respecter pour bénéficier de ce congé.
Oui. Pour ce faire, il faut que le salarié informe l’employeur de sa demande de prolongation 2 mois avant le terme du congé. Il n’a le droit qu’à une seule demande de prolongation de son congé pour création d'entreprise.
Oui. Le salarié peut réintégrer son entreprise mais seulement au terme de son congé, il retrouvera alors son emploi (ou un emploi similaire) ainsi que sa rémunération. Il doit en informer l’employeur 3 mois avant le terme par lettre recommandée avec accusé de réception, sans aucune condition. Si la demande a été faite hors délai et que l’employeur ne peut pas réintégrer le salarié, il doit le licencier pour cause réelle et sérieuse, mais la rupture du contrat n’est en aucun cas automatique.
Il est possible de rompre le contrat de travail sans besoin de préavis. Le salarié peut aussi demander à réintégrer l’entreprise à temps partiel afin de continuer de développer son activité.
Lors du congé pour création d’entreprise, juridiquement le contrat de travail est maintenu mais suspendu. Par conséquent, les obligations qui en découlent s’appliquent toujours comme l’obligation de loyauté (c’est-à-dire ne pas nuire à l’entreprise).
Exemple : Thomas fait du démarchage de la clientèle de son employeur, c’est considéré comme une faute grave et entraine son licenciement.
Les risques du congé pour création d’entreprise
Pendant sa période de congé, le salarié a le statut de salarié en suspension du contrat de travail. Il ne reçoit pas de rémunération de la part de son employeur, ni allocation chômage car il n’est pas chômeur. Le salarié ne recevra d’indemnités de la part de l’employeur qu’à la condition qu’il ait capitalisé ses congés payés. En cas de licenciement après la réintégration, le salarié bénéficiera des allocations chômages. Il peut toujours faire l’objet d’un licenciement économique pendant son congé en cas de difficultés de l’entreprise.
Le salarié est couvert par la Sécurité sociale pendant 12 mois pour les prestations en espèces et en nature, sauf pour l’assurance vieillesse, mais bénéficiera d’une nouvelle couverture sociale à la création de l’entreprise. En outre, la durée du congé n’est pas comptabilisée dans le calcul de la retraite ou de l’ancienneté professionnelle.
Pour cotiser à la caisse des retraites, le salarié devra prendre une assurance volontaire. En cas de réintégration dans son entreprise, le salarié retrouve son salaire et son régime de sécurité sociale et de retraite. Il faut donc s’immatriculer aux caisses des TNS (travailleurs non salariés) pour pouvoir continuer à cotiser.
Le salarié doit respecter les règles classiques du droit commercial, à savoir s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS) s’il exerce une activité commerciale, ou au registre des métiers (RM) en cas d’activité artisanale. Il doit déclarer ses revenus en fonction du régime choisi, par exemple la micro-entreprise. Il est possible aussi de bénéficier des exonérations fiscales et sociales en fonction du régime (voir plus spécifiquement les règles fiscales de création d’entreprise).
Une fausse bonne idée ?
Partant d’une bonne intention pour permettre aux entrepreneurs dans l’âme de monter leur entreprise, la loi reste un peu floue sur certains aspects. Les délais ne sont pas précis (jours ouvrés ? ouvrables ? le code reste muet). Le salarié doit prendre en considération le fait qu’il ne percevra plus aucune rémunération de son employeur et que les cotisations sociales et charges fiscales seront volontaires, donc difficiles à gérer. Le projet doit être bien préparé en amont et accompagné, notamment par la rédaction de business plan.
L’assurance du retour à l’emploi ne permet pas aux salariés de se lancer totalement dans leur projet d’entreprise et préfèrent se donner une année d’essai. Le salarié doit s’assurer de disposer des fonds et des connaissances nécessaires pour que son entreprise fonctionne, le retour dans l’entreprise ne laisse en effet pas toujours une bonne impression à l’employeur. Le salarié ayant indiqué finalement que son travail actuel lui plaisait moins qu'une création d'entreprise.
C’est pourquoi il serait peut-être plus judicieux de quitter définitivement son entreprise par la rupture conventionnelle plutôt que d’envisager une situation intermédiaire qui n’est forcément moins risquée et plus efficace.