Etes-vous victime de harcèlement moral ? Quelle est la première chose à faire ? Que risquez-vous à dénoncer un harcèlement ? Maître Estelle MALBOIS, avocate au barreau de Paris est titulaire d’un 3ème cycle en droit social. Elle est devenue avocate en droit social et droit pénal par vocation ! « J’aime la bataille, les rapports de force et je ne « lâche » rien ! Mon job : défendre bec et ongles mes clients ».
Dans cette interview, elle nous parle du harcèlement moral du salarié sur son lieu de travail. Comment faire pour s’en débarrasser ?
La définition donnée par le code du travail en son article L. 1152-1 est la suivante :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Cette disposition fixe les conditions nécessaires afin que le harcèlement tombe sous le coup de la loi mais sans définir véritablement la notion de harcèlement moral. Les juges ont donc un important pouvoir d'appréciation et d'interprétation en la matière.
Nous venons de voir qu’il n’existe pas de définition précise du harcèlement moral. Il est donc difficile pour un salarié de juger ce qui peut être du harcèlement moral ou pas. Chaque cas est particulier. Ce sera au juge de reconnaitre, ou pas, le harcèlement moral au regard des éléments de preuve apportés par le salarié.
L’avocat est un personnage important. Il pourra aider le salarié dans la collecte de ces preuves afin de constituer son dossier. Surtout, il pourra dire au salarié, au regard de son expérience et de la jurisprudence, si le harcèlement moral a des chances d’être reconnu dans son cas.
Je conseillerai au salarié d’alerter son employeur. Je lui conseillerai également d’informer les délégués du personnel et le CHSCT dont le rôle est de veiller à la protection de la santé « physique et mentale » des salariés.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi no 2012-954 du 6 août 2012, la procédure d'alerte dont disposent les délégués du personnel a été expressément étendue aux situations de harcèlement moral (et sexuel).
Les délégués du personnel doivent alors saisir l'employeur. Celui-ci ou son représentant est tenu de procéder sans délai à une enquête et faire remédier à cette situation.
A priori non, sauf si la mauvaise foi est caractérisée. Dans un arrêt récent de la Cour de Cassation, an date du 6 juin 2012, il avait été démontré qu’une salariée avait dénoncé de façon mensongère des faits existants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l'entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable. La mauvaise foi de la salariée au moment de la dénonciation des faits était caractérisée. Ces agissements rendaient impossible son maintien dans l'entreprise et constituaient une faute grave.
Le salarié s'estimant victime d'un harcèlement devra établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Il appartiendra à l'employeur de prouver que le harcèlement n'est pas constitué.
Concrètement, le salarié pourra fournir des mails, SMS, attestations … toute pièce qu’il juge utile de fournir pour faire reconnaitre le harcèlement. En pratique, cela est difficile car les harceleurs évitent de laisser des traces …
Les dispositions relatives au droit de retrait, insérées dans le Code du travail, visent particulièrement les situations de danger pour la santé physique des travailleurs. Ces situations de danger étant désormais relativement bien maitrisées, la question de l’adaptation du droit de retrait aux situations de mise en danger psychique des travailleurs se pose.
Si le harcèlement moral met en jeu la santé physique et morale du salarié victime, il est pourtant nécessaire de bien réfléchir avant d’exercer son droit de retrait.
En effet, Si les juges du fond ont pu admettre l’exercice du droit de retrait dans des situations de harcèlement sexuel ou moral ou de violences morales (CA Versailles, 15e ch., 28 mars 2012), la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur cette question et le législateur n'a toujours pas consacré l'extension du droit de retrait à l'hypothèse du harcèlement moral.
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié ou le délégué, (si le salarié ne s'y oppose pas) saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon les règles applicables au référé. Le juge peut ordonner toutes les mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte liquidée au profit du Trésor.