Tout le monde s'est déjà demandé, à un moment donné, si en écrivant un mail à son copain du travail, votre employeur pourrait le voir et s'en servir contre vous pour vous faire quitter son entreprise. Quelle est la limite entre la sphère privée et la sphère professionnelle ?
L'article 9 du code civil rappelle que "chacun a droit au respect de sa vie privée".
Dans un arrêt "Nikon" du 2 octobre 2001, la Cour de Cassation s'est prononcée sur l'utilisation des outils informatiques sur le lieu de travail. Elle a précisé que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée " laquelle " implique en particulier le secret des correspondances", et a donc considéré que "l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur".
Les mails écrits et reçus à l'aide de l'outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur sont présumés professionnels, de ce fait votre employeur est autorisé à les consulter.
Cependant, pour éviter que l'employeur ait le droit de lire les mails privés du salarié, ce dernier doit stipulé dans l'objet du mail le caractère privé de celui-ci en inscrivant "personnel", "privé".
Par principe, le mail identifié comme personnel est privé. L'employeur n'a donc pas le droit de le consulter.
Cependant, si l'employeur estime qu'il existe un risque pour son entreprise dans vos correspondances personnelles (exemple : divulgation de documents ou informations confidentiels), alors il peut décider d'ouvrir vos mails à condition que vous soyez présent ou que vous ayez été "dûment appelé".
Il existe un cas où l'employeur peut ouvrir les mails de son salarié sans le prévenir : celui du risque ou événement particulier dont les juges apprécieront le caractère réel et pertinent. En effet, la Cour de Cassation a précisé dans un arrêt du 17 juin 2009 : "sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les messages identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé".
De plus, récemment, dans un arrêt du 26 janvier 2016, la Cour de Cassation a considéré que "l__es courriers et fichiers électroniques provenant de la messagerie personnelle d'un salarié, même stockés sur un ordinateur fourni par l'employeur, sont irrecevables à titre de preuve" : leur production en justice porterait atteinte au secret des correspondances.
Qu'en est-il des courriers personnels non identifiés comme tel ?
La cour de Cassation dans un arrêt du 16 mai 2013 a tranché. Elle considère que "des courriels non identifiés comme étant personnels sont présumés avoir un caractère professionnel de telle sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir en dehors de la présence de l'intéressé".Cela signifie que les courriers personnels non identifiés comme tel sont présumés être professionnels et l'employeur est en droit de les consulter.
En revanche, même s'il peut les consulter, le fait que ces courriers aient un caractère personnel permet d'interdire l'employeur de s'en servir comme motif de sanction (Cass, soc. 18 octobre 2011).
Le réglement intérieur de l'entreprise peut préciser les conditions de consultation de ces mails. Il peut très bien décider que l'employeur ne pourra pas consulter seul les mails (professionnels ou personnels) du salarié sans avoir le salarié concerné (Cass,soc. 26 juin 2012).
Les mails rédigés depuis un ordinateur professionnel sont présumés être professionnels sauf si l'objet précise le caractère personnel de ces derniers. Il est donc très important d'y penser.