Qu'est-ce qu'un licenciement pour faute ? Quelles sont les différentes fautes existantes ? Quelle est la procédure à suivre en cas de licenciement pour faute ? Quelles sont les conséquences pour le salarié ? Peut-il exercer un recours ?
Avocat au Barreau de Paris, Maître Jean-Bernard Bouchard intervient régulièrement en Conseil comme en Contentieux, aux côtés de ses clients salariés ou cadres, devant l’ensemble des juridictions prud’homales et d’Appel.
Le licenciement pour faute est, par essence, un licenciement individuel dont la motivation de l’employeur est de sanctionner soit un manquement d’un salarié aux règles disciplinaires, soit de sanctionner un manquement aux obligations professionnelles ou contractuelles.
Dès lors, le licenciement pour insuffisance professionnelle par exemple, qui est lui aussi un licenciement par nature individuel, ne relève pas du licenciement pour faute.
Cette distinction est importante dans la mesure où la procédure du licenciement pour faute est plus strictement encadrée par le Code du travail.
En effet, deux délais doivent être respectés : il n’est en principe pas possible de sanctionner une faute connue de l’employeur plus de deux mois avant l’engagement de la procédure, et l’éventuelle notification au salarié du licenciement pour faute ne doit pas être adressée au salarié plus d’un mois après l’entretien préalable.
Ce double délai s’explique tout naturellement par le fait que le salarié fautif ne doit pas être laissé par l’employeur dans l’incertitude quant à son avenir dans les effectifs : il doit très rapidement savoir si l’employeur entend le licencier ou non !
Classiquement il est admis quatre types de fautes, hiérarchisées selon leur degré de gravité.
La faute légère est celle qui ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Vous ne pouvez donc pas être licencié pour une telle faute. En revanche, elle peut bien évidemment justifier une autre sanction disciplinaire comme un avertissement.
La faute simple est le premier « échelon » qui peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Par son volume, il s’agit de la majorité des causes de licenciement disciplinaire.
La faute grave est constituée lorsque la violation des obligations est d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il est à noter que cette sanction peut justifier, le temps de la procédure, une mise à pied conservatoire. Dans ce dernier cas, le salarié est dispensé de se rendre sur son lieu de travail, et sa rémunération est suspendue.
Enfin, la faute lourde est hiérarchiquement l’échelon le plus élevé des fautes. Il s’agit là pour l’employeur de sanctionner un comportement à la fois grave d’un salarié et, en plus, réalisé avec une intention de nuire soit à l’employeur soit à l’entreprise. Il incombera dans de tels cas à l’employeur de démontrer cette intention, ce qui est extrêmement complexe, et appréciée de manière très restrictive par la jurisprudence.
Avant de vous notifier votre licenciement pour faute, l’employeur doit préalablement avoir recueilli vos explications.
Pour cela, vous devez avoir été convoqué à un entretien préalable. Cette convocation doit indiquer l’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien, ainsi que la possibilité pour le salarié de se faire assister lors de l’entretien par la personne de son choix appartenant obligatoirement aux effectifs de l’entreprise ou par un conseiller extérieur lorsque l’entreprise est dépourvue d’institutions représentatives du personnel.
Le Code du travail impose de respecter un délai de cinq jours pleins et ouvrables minimum entre la présentation du courrier de convocation et l’entretien préalable.
De manière générale, il est plutôt recommandé d’être assisté lors de cet entretien, afin qu’elle soit témoin des échanges entre l’employeur et le salarié. En effet, lors de cet entretien, l’employeur doit exposer au salarié tous les motifs du licenciement.
L’employeur ne pourra invoquer dans la lettre de notification du licenciement de nouveaux motifs sur lesquels il n’aurait pas recueilli les explications du salarié.
Enfin, après avoir respecté un délai de deux jours ouvrables minimum après l’entretien préalable, l’employeur peut adresser au salarié un courrier de notification du licenciement. Rappelons que s’agissant d’un licenciement pour faute, l’employeur ne peut notifier le licenciement plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable.
En outre, il convient de noter qu’à cette procédure légale peut s’ajouter une procédure complémentaire prévue soit par la convention collective applicable, soit directement par le règlement intérieur. Le respect de cette procédure complémentaire est obligatoire car elle peut avoir pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé en méconnaissance d’une garantie de fond conventionnelle pour le salarié.
Les conséquences pour le salarié licencié pour faute sont multiples.
Notons simplement qu’à la fin de son préavis (généralement deux ou trois mois après la notification du licenciement), le salarié cesse de venir travailler et l’employeur doit lui remettre un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi afin qu’il puisse s’y inscrire et bénéficier des indemnités chômage, y compris en cas de licenciement pour faute grave ou lourde.
L’employeur doit également verser au salarié, à la fin du préavis, une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice au titre des congés payés.
L’employeur peut dispenser le salarié de réaliser son préavis, en lui versant une indemnité compensatrice.
Cependant, en cas de faute grave ou lourde, le salarié sera privé de réaliser ce préavis, et donc de son indemnisation. En outre, le salarié se verra également privé de l’indemnité de licenciement.
Enfin, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016, l’indemnité compensatrice de congés payés doit toujours être versée au salarié, y compris en cas de faute lourde.
Le salarié peut, bien évidemment, former un recours contre un licenciement pour faute qu’il estimerait injustifié.
Depuis le mois de juin 2013, le délai légal pour saisir le Conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement est passé de cinq années à seulement deux années.
Plusieurs fondements peuvent être invoqués par le salarié à l’appui de son recours devant le Conseil de prud’hommes. Quoi qu’il en soit, la preuve est libre dès lors qu’elle n’est pas déloyale, et chacune des parties pourra apporter des éléments au soutien de ses intérêts. Néanmoins, en matière de faute grave, et plus encore en matière de faute lourde, la preuve incombe exclusivement à l’employeur.
Les faits qui peuvent entraîner un licenciement pour faute sont variés. Il n’existe d’ailleurs aucune liste qui puisse être exhaustive des fautes que pourraient commettre un salarié dans le cadre de ses fonctions.
Ainsi, chaque jour, je suis amené à rencontrer des salariés ou cadres licenciés pour faute, dont le motif est très variable au même titre que la sanction de l’employeur.
Il ne faut pas oublier qu’en matière de licenciement pour faute, nous sommes en plein cœur des rapports humains et de leurs complexités. De très nombreux facteurs, souvent difficilement cernables, s’invitent dans le choix de l’employeur de licencier ou non. Si le licenciement pour incompatibilité d’humeur n’est pas une cause de licenciement, il n’en demeure pas moins que l’humeur de l’employeur lors de sa décision est un élément central…