"Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous rappelons que vous êtes mis à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision ...". Si vous venez de recevoir une notification comme celle-ci, c’est que vous faites l’objet d’une mise à pied conservatoire. Nous allons, en 6 points ,tout vous expliquer sur cette mesure ouverte à votre employeur.
La mise à pied conservatoire est visée par l’article L 1332-3 du code du travail qui dispose : "Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L1332-2 ait été respectée".
La mise à pied conservatoire est donc une mesure facultative, de précaution qui intervient en amont d’une éventuelle procédure disciplinaire, généralement, un licenciement pour faute lourde ou grave. Votre présence dans l’entreprise n’est plus possible, alors vous êtes dispensé de vous rendre au travail jusqu’à prononciation du licenciement. Le contrat est suspendu et votre employeur n’a plus à vous verser de salaire puisque vous ne vous y rendez plus.
Aucune condition de forme n’est demandée.
La loi ne soumet la notification de la mise à pied conservatoire à aucune condition de forme. Même s’il est recommandé d’avoir recours à un écrit pour des conditions de preuve (durée, date), l’employeur peut vous informer par oral, par tout moyen.
EXEMPLE :
Un salarié a été informé par SMS de sa mise à pied à titre conservatoire. Il se demande si cela est valable. Réponse : Oui parfaitement.
Distinction mise à pied conservatoire et mise à pied disciplinaire.
La mise à pied conservatoire diffère de la mise à pied disciplinaire. En effet, la première n’est pas une sanction tandis que la deuxième en est une. Il est important de les distinguer puisque si vous faites l’objet d’une procédure de mis à pied « sanction », vous ne pourrez pas être licencié pour les mêmes faits. C’est le principe « une seule sanction pour un « fait fautif ».
Au contraire, vous l’aurez compris, comme la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. Par conséquent, vous pouvez faire l’objet d’un licenciement par la suite. C’est le cas généralement.
Durant la mise à pied conservatoire, le contrat est suspendu. Naturellement, la rémunération l’est aussi, ce qui peut être désastreux pour les salariés si la procédure est longue. Dans ce cas, il faut s’armer de patience car les salaires que vous auriez du toucher pendant celle-ci vous seront reversés si la mesure aboutit à une autre sanction qu’un licenciement pour faute grave ou lourde. En effet, l’employeur y sera obligé à moins que la mise à pied conservatoire soit requalifié de mise à pied disciplinaire, dans quel cas les faits reprochés ne pourront plus jamais faire l’objet d’une autre sanction en vertu du principe « jamais deux sanctions pour une même faute ».
Un salarié qui déciderait de venir travailler quand même, malgré les instructions de son employeur ne se rend pas coupable d’une faute en n’obéissant pas.
Le principe est simple. La durée de cette mise à pied est indéterminée puisqu’elle dépend de la procédure disciplinaire qui suivra. Au contraire la mise à pied « sanction » doit quant à elle comporter un terme, une fin.
L’employeur qui décide de mettre à pied un salarié à titre conservatoire n’a d’autre choix que d’engager une procédure disciplinaire en même temps. S’il envisage de licencier pour faute grave ou lourde le salarié, alors, il doit le convoquer à un entretien préalable. Dans ce cas, la mise à pied a une durée, mais cela ne lui empêche pas rester conservatoire ( Cass. soc., 27 nov. 2007, no 06-42.547). C’est une exception au principe de durée indéterminée.
D’autre part, les Juges sont très soucieux de protéger les salariés car cette mesure leur est particulièrement défavorable face à un employeur qui voudrait faire durer le flou, ne donner aucune décision et le pousser à démissionner. Alors, a été jugé excessif un délai de quatre jours entre la notification de la mise à pied conservatoire et l'envoi de la convocation à un entretien préalable ( Cass. soc., 19 avr. 2000, no 98-41.924 ). Pareillement pour une convocation à un entretien préalable adressée sept jours après le prononcé d'une mise à pied conservatoire ( Cass. soc., 1er déc. 2011, no 09-72.958). Idem lorsque l'employeur a notifié une mise à pied conservatoire et n'a engagé la procédure de licenciement que six jours plus tard, sans faire état d'aucun motif légitime pouvant justifier un tel délai ( Cass. soc., 30 oct. 2013, no 12-22.962 ).
Le seul motif susceptible d’être considéré comme légitime est le besoin de mener une enquête au sein de l’entreprise quant aux faits reprochés.
Ce qu’il faut nécessairement retenir est que la mise à pied conservatoire n’est pas une mesure disciplinaire. Ce n’est pas une sanction. Elle doit seulement servir à l’employeur pour justifier la mise à l’écart d’un employé probablement fautif. Cette mesure doit en général aboutir sur un licenciement pour faute grave ou lourde. Cependant, l’employeur n’est pas lié. Il peut faire machine arrière et ne finalement pas licencier le salarié s’il ne s’avère pas fautif mais les salaires qu’il ne lui aura pas versés durant la période lui seront dus.