Le contrat de travail à durée déterminée est trés prisé et souvent utilisé. Il n'est pas rare de voir les CDD se succéder. Mais votre employeur en a t-il toujours le droit? Quelles sont les règles en matière de succession de CDD?
Maitre Lejard, Avocat au Barreau de Val d'Oise et spécialist en droit du travail, apporte son expertise.
Une entreprise ne peut en principe conclure avec un salarié un contrat à durée déterminée que pour une tâche précise, temporaire et seulement dans les cas prévus par la loi:
Il ne doit pas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise.
Le CDD doit comporter un terme précis et sa durée ne peut en principe exéder 18 mois renouvellement inclus.
Il doit faire obligatoirement l'objet d'un écrit comportant le motif du recours et la durée pour laquelle il est conclu avec la précision de la possibilité ou non d'être renouvelé (si le renouvellement n'est pas prévu initialement, pour l'être un avenant doit obligatoirement être signé entre les parties).
Il prend donc fin, sans autre formalisme que l'arrivée de la date prévue.
C'est ce qui explique alors qu'un CDD n'obéit à "l'entrée" à aucun formalisme particulier, les garanties du salarié étant prévues à la "sortie" par la procédure de licenciement, le CDD doit protéger le salarié à "l'entrée" par l'établissement d'un contrat contenant un certain nombre de mentions obligatoires.
Il existe cependant de nombreuses exceptions à ce principe.
En ce qui concerne la tâche "précise et temporaire" et l'impossibilité de le conclure pour "pourvoir durablement à l'activité normale de l'entreprise", ces principes ne s'appliquent pas aux contrats liés à la politique "de l'emploi de l'Etat."
A titre d'exemple et sans entrer dans le détail, il s'agit des contrats spécifiques mis en place pour favoriser le recrutement de certaines personnes sans emploi (formation en alternance ou insertion par exemple).
De même les contrats d'apprentissage font l'objet d'une législation spécifique.
En ce qui concerne la durée maximum, ensuite, celle-ci est ramenée à 9 mois, lorsque le recours est jusitifé soit par des travaux urgents, soit dans l'attente par l'entreprise de la concrétisation de l'embauche d'un CDI pour occuper le poste ou lorsque le CDD est justifé par la réalisation de travaux urgents pour la sécurité.
Inversement, elle est rallongée à 24 mois, lorsque le CDD est conclu pour un travail à l'étranger (quel que soit le motif de recours à ce type de contrat), où s'il s'agit de pourvoir à une commande exceptionnelle à l'exportation, ou en cas de départ définitif d'un salarié précédant la suppression ultérieure de son poste.
En ce qui concerne la nécessité d'indiquer dès l'origine la durée du contrat, il existe des CDD dit "sans terme précis". Il s'agit de CDD conclus pour remplacer un salarié absent (pour maladie par exemple ou une femme enceinte), des contrats pour l'attente de l'entrée en service d'un salarié en CDI (sous réserve que le contrat ne dépasse pas 9 mois), soit les emplois saisonniers.
Ceci rappelé, dans la pratique, les CDD sont trop souvent détournés de leur objet, soit étant utilisé comme période d'essai pour éviter les dispositions légales ou conventionnelles, soit pour introduire une plus grande flexibilité dans la gestion de la main d'oeuvre des entreprises.
Les textes insistent beaucoup dans leur formulation sur le fait que le CDD est un contrat temporaire ("accomplissement d'une tâche précise et temporaire" "qui ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement...") et on pourrait alors légitimement en déduire qu'une succession de CDD, dépassant "au total" les durées légales, telles que rappelées ci-dessus, est illicite et autoriserait systématiquement le salarié à solliciter la requalification de cette succession en CDI.
Le problème est cependant plus compliqué.
D'une part, il a été rappelé que cette succession est autorisée en cas de remplacement d'un salarié absent (voir cependant infra les cas dans lesquels ce système devient illicite) soit pour la conclusion successive de contrats saisonniers.
Mais au-delà rien nempêche un employeur de conclure une succession de CDD avec le même salarié mais pour des motifs de recours différents.
Le premier CDD sera par exemple conclu pour le remplacement d'un salarié absent, le second pour un surcroit temporaire d'activité, le troisième pour remplacer un autre salarié absent..
Mais cette possibilité ne peut pas avoir pour effet de pourvoir durablement à un emploi nécessaire à l'activité normale de l'entreprise.
Cependant en dehors de ces cas (trop souvent utilisés) l'employeur doit respecter un délai de carence entre deux contrats à durée déterminée conclus avec le même salarié sur le même poste.
Dans l'hypothèse d'une succession de CDD sur des postes différents, le délai de carence entre deux contrats pour un même salarié, la loi ne prévoit rien, ce délai étant laissé à l'appréciation de...l'employeur.
Il doit cependant être suffisamment long pour ne pas laisser soupçonner une fraude à la loi (un délai de queques jours seulement paraitra certainement insuffisant).
Ce sera généralement une question de fait, les éléments propres à chaque situation permettant de caractériser une fraude à la loi.
Outre l'irrégularité éventuellement formelle des contrats successifs (pas de mention par exemple du salarié remplacé ou du motif du recours ) on utilisera le plus souvent la notion de recours abusif de CDD successifs car ils avaient pour objet ou pour effet de pourvoir à l'activté normale de l'entreprise.
Plusieurs indices seront alors à rechercher:
Si le Conseil de Prud'hommes est convaincu par la fraude, le salarié peut seul s'en prévaloir (c'est à dire que l'employeur ne pourra pas par exemple soutenir que cette succession est irrégulière et que le salarié était en fait en CDI pour éviter par exemple les pénalités qu'il devrait en mettant fin à son terme au CDD).
Si le salarié entend demander à bénéficier d'un CDI auprès de l'entreprise qui l'emploie, il peut agir:
Attention, il ne pourra pas demander sa réintégration dans l'entreprise. seuls des dommages et intérêts sanctionnant l'attitude de l'employeur.