Il est fort possible que votre employeur ait mis à votre disposition un ordinateur et un téléphone portable professionnels. Quel usage pouvez-vous en faire? Votre employeur a t-il le droit de s'en servir comme bon lui semble sans votre autorisation? Autant de questions sur lesquelles Maitre Zenou revient.
Maitre Zenou, est un avocat spécialisé dans les problématiques de droit social. Il intervient dans tous les domaines du droit social (droit du travail, protection social), et a acquis une véritable expertise qu’il met au profit des salariés. Il répond à nos questions.
Il est tout à fait possible à un employeur de réserver l’utilisation du téléphone à des fins strictement professionnelles. Il devra prévoir au sein du règlement intérieur de l’entreprise que cet usage est réservé à une fin uniquement professionnelle.
Cependant, l’employeur ne pourra pas l’interdire de manière absolue, cela veut dire que si le salarié se retrouve dans l’obligation de passer un appel personnel pour un impératif, l’employeur ne pourra pas s’y opposer sauf abus dans l’utilisation.
Enfin, les salariés qui jouissent d’une liberté dans leur organisation doivent en toute logique utiliser le téléphone comme il le souhaite, sinon cela reviendrait à limiter leur prérogative de cadre autonome.
En principe, le téléphone professionnel doit être utilisé pendant les heures de travail, cependant se pose la question des cadres autonomes, dans ce cas de figure, le salarié pourra l’utiliser lorsqu’il travaille et qu’il ne vaque pas à ses obligations personnelles (en repos).
Attention, un téléphone professionnel ne laisse pas toute latitude à l’employeur pour contacter ses salariés à sa guise, car en principe, le salarié doit répondre pendant son temps et lieu de travail, cela veut dire que le weekend, le salarié est en droit de refuser de répondre à son employeur sans que cela soit fautif !
En effet, pendant son temps de repos, le salarié peut librement vaquer à ses obligations personnelles et le salarié n’est plus à la disposition de l’employeur.
Ainsi, un employeur qui envoie des SMS à 23 heures à un salarié pour lui demander des comptes rendus sur son travail constitue un abus d’autant plus que ces demandes ne présentaient aucun caractère d’urgence. Il y a donc abus.
Inversement, il a été jugé que l’employé avait commis une faute grave en faisant un usage abusif du téléphone portable de l’entreprise à des fins personnelles, notamment par des appels privés et aussi par un téléchargement exagéré de logiciels (« téléchargement inhabituel ») qui avaient mis la puce à l’oreille du fournisseur de données. La cour d’appel de Lyon a considéré que le licenciement était justifié car l’employé avait violé ses obligations de loyauté et d’honnêteté, provoquant un préjudice grave pour l’entreprise (CA de Lyon, chambre sociale, 8 juin 2007, René-marc L. C/ Haco).
Le principe est que les écoutes téléphoniques privées sont interdites du fait du respect du secret des correspondances. Ce principe est affirmé par l’article 9 du Code civil, par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et est puni par le droit pénal à l’article 226-15 de un an de prison et de 45 000 € d’amende.
Ainsi, l’employeur ne peut pas écouter les conversations téléphoniques du salarié, sauf si ces conversations sont passées dans un but professionnel.
Cependant, l’employeur devra au préalable avertir le salarié que les conversations que ce dernier passe au moyen de son téléphone portable professionnel peuvent être enregistrées.
Attention néanmoins, le salarié protégé a droit à la confidentialité de ses communications téléphoniques (Cass Soc, 4 avril 2012, n°10-20.845). En effet, tout salarié titulaire d’un mandat électif ou syndical doit bénéficier d’une ligne téléphonique propre à l’exécution de son mandat, sur laquelle l’employeur ne peut exercer aucune forme de surveillance.
Le salarié peut donc solliciter la violation du secret des correspondances lorsque l’employeur enregistre une conversation téléphonique à son issu, et l’employeur ne pourra s’en servir comme mode de preuve dans le cadre d’une procédure de licenciement.
En principe, le salarié n’est pas autorisé à utiliser son téléphone portable professionnel en dehors de son temps de travail et dans un cadre privé.
Mais quid d’un usage mixte, c’est-à-dire d’un usage à la fois professionnel et privé du téléphone portable ?
Il existe une tolérance qui consiste pour le salarié à ne pas abuser dans l’utilisation du téléphone portable professionnel à des fins privées.
On le voit tout dépend de l’usage modéré qui est fait par le salarié du téléphone professionnel mis à sa disposition (Voir la délibération CNIL n°2005-19, 13 février 2005).
Dans un arrêt de principe en date du 10 février 2015, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à répondre à la question suivante :
L’employeur peut-il prendre connaissance de messages écrits dit SMS émis par ses salariés ou reçus par eux grâce à un téléphone mobile mis à leur disposition pour leur travail ?
« Mais attendu que les messages écrits ("short message service" ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels ; qu'il en résulte que la production en justice des messages n'ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve ; qu'ayant retenu que les SMS à caractère non marqué "personnel" émis et reçus sur du matériel appartenant à la société Newedge étaient susceptibles de faire l'objet de recherches pour des motifs légitimes et que l'utilisation de tels messages par l'employeur ne pouvait être assimilée à l'enregistrement d'une communication téléphonique privée effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la deuxième branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, a légalement justifié sa décision ;que le moyen n'est pas fondé ».
Ceci implique deux choses :
En conséquence, dès lors qu’un salarié envoie un message personnel depuis son téléphone professionnel il aura tout intérêt à le titrer PERSONNEL, à défaut la présomption professionnelle s’appliquera et l’employeur sera en droit de consulter le contenu du message.
En vertu de cet arrêt de principe du 10 février 2015, il sera possible à l’employeur de se servir des SMS professionnels à la condition qu’il ne soit pas titré de PERSONNEL.
Il ne s’agit pas d’un mode de preuve déloyal au sens des article 9 du Code civil et 6 paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cette jurisprudence s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence sur les mails professionnels.
L'employeur ne peut prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail sans violer la liberté fondamentale qu'est le respect de l'intimité de la vie privée (Cass. soc., 02-10-2001, n° 99-42.942).
Il a été jugé que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence (Cass. soc., 18 oct. 2006, no 04-48.025 ; Cass. soc., 18 oct. 2006, no 04-47.400, Bull. civ. V, no 308).
Ce principe s'applique non seulement à l'ordinateur mais aussi à des périphériques tels qu'une clé USB (Cass. soc., 12 févr. 2013, no 11-28.649 FS-P+B ; voir no212).
En principe, l’employeur peut consulter tous les mails contenus dans la boite mail de ses salariés excepté lorsqu’ils sont titrés PERSONNELS.
Dans ce cas de figure, l’employeur ne pourra pas les consulter.
Tout le débat porte sur le fait de titré un mail de personnel pour lui retirer la présomption professionnelle.
A défaut, l’employeur est en droit de consulter le contenu du mail hors la présence du salarié.
Le salarié devra éviter d’utiliser son téléphone professionnel à des fins privées, il en va de même de son ordinateur professionnel.
Il devra en faire une utilisation modéré et respecté la chartre de l’entreprise qui limite l’utilisation du téléphone personnel.
Le conseil que je peux prodiguer est d’éviter d’utiliser un téléphone professionnel à des fins privées, il en va de même pour l’ordinateur professionnel et notamment la messagerie professionnelle.
Il faudra toujours titrer les messages comme PERSONNELS. A défaut, l’employeur pourra consulter le contenu et l’utiliser dans le cadre d’une procédure prud’homale.