La future loi Travail entend moduler de nombreuses catégories qui parcourent le droit du travail. L'une d'entre elle ayant entrainé des remous concerne la réforme de la justice prud’homale.
L'objectif du législateur consiste à simplifier les règles relatives au fonctionnement des conseils de prud'hommes. La principale difficulté qui risque d'apparaitre porte sur le viol probable de notions fondamentales du système juridique français.
Le plafonnement des indemnités prud'homales est une mesure phare de la réforme du travail. Cette réforme avait déjà été proposée à l'été 2015 par un certain Emmanuel Macron, alors à la tête du Ministère de l'économie.
La mesure avait été retoquée par le Conseil constitutionnel. Les neuf juges avaient considéré que les sommes versées n'étaient pas les mêmes selon la taille de l'entreprise. Il s'agissait d'une rupture d'égalité des citoyens devant la loi.
Les ordonnances portant sur la réforme du Code du Travail proposent une fois encore un plafonnement des indemnités prud'homales lorsque le motif de licenciement est sans cause réelle et sérieuse ou abusif. Les indemnités prud’hommales jusqu’à aujourd’hui n’avaient qu’un plancher. Elles auront dorénavant un plafond à ne pas dépasser.
Les modalités sont les suivantes :
• Lors d'un licenciement abusif, les indemnités seront plafonnées à 3 mois de salaire jusqu'à deux ans d'ancienneté.
• Elles augmenteront jusqu'à un maximum de 20 mois de salaire à partir de 30 ans d'ancienneté.
• En cas de harcèlement ou de discrimination, le plafonnement n'existera pas.
Quel problématique pose une telle réforme ?
Les juges prud’hommaux risquent de ne plus prendre en compte les spécificités de chaque salarié mais surtout, les critères pris en compte habituellement pour indemniser ces derniers.
Les dommages et intérêts sont calculés selon les éléments de preuve que le salarié verse aux débats pour démontrer le préjudice lié à la perte de son emploi (perte de revenus, difficulté à trouver un emploi, charges familiales). Chaque situation est donc différente.
Lorsqu’un salarié subit un licenciement injustifié, son ancienneté et la taille de l’entreprise dans laquelle il y travaille sont pris en compte dans le calcul de l’indemnisation.
La loi ne fixait pas de plafond d’indemnisation, faisant que le montant pouvait être très important. Tout dépend des circonstances de la rupture et des conséquences financières sur le salarié.
Le juge a donc plus de liberté pour s’adapter à la situation de chaque salarié préjudicié.
Il faut préciser que, en matière de préjudice, le principe est la réparation intégrale du préjudice subi. Ceci constitue un principe de droit.
Le plafonnement de telles indemnités pose un souci : la réforme fera en sorte que le préjudice soit fixé en fonction de l’ancienneté du salarié.
Donc, deux salariés licenciés dans une entreprise de moins de 11 salariés, qui ont la même ancienneté, seront traités de la même manière si le plafond maximal de l’indemnisation est atteint, soit quatre mois ici. C’est problématique dans le sens ou, aujourd’hui, les charges de famille peuvent être prises en compte pour le calcul du préjudice financier
Aujourd'hui, ces indemnités ne peuvent être inférieures à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoute deux quinzième de mois par année au-delà de 10 ans (article R. 1234-2 du Code du travail).
Dans le cadre des débats à l’Assemblée nationale, Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, annonça que le barème des indemnités légales de licenciement serait augmenté pour tous les salariés.
Cette concession vise à inciter les députés à voter en faveur de la mesure relative au barème destiné à encadrer le montant des dommages et intérêts dus par l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’impact réel de la hausse de l’indemnité légale de licenciement dépendra du niveau de revalorisation. En effet, un certain nombre de salariés bénéficient d'indemnités conventionnelles de licenciement (prévues dans leur convention collective) plus généreuses que les indemnités légales.
Les indemnités légales de licenciement ne doivent pas être confondues avec les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Elles sont perçues aux prud'hommes pour réparer le préjudice du licenciement abusif. Lesquelles devraient désormais être encadrées dans un barème obligatoire, pour "sécuriser" les employeurs. C'est même une contrepartie accordée aux syndicats "en échange" de cette barémisation.
Le gouvernement œuvre aussi dans le but d’établir des mesures d'incitation fiscale et sociale pour privilégier les procédures de conciliation, et donc les indemnités qui vont avec. Une telle méthode serait à même de réduire les contentieux et désengorger les conseils des prud'hommes.
Celles-ci sont versées à tout salarié en contrat à durée indéterminée licencié, sauf pour faute grave ou lourde. Elles se cumulent avec les indemnités en cas de rupture conventionnelle, le cas échéant.
Actuellement, le délai de recours aux prud'hommes est d'un an pour les licenciements économiques et de deux ans pour tous les autres motifs de licenciement. Les ordonnances prévoient de limiter le délai de recours à un an dans tous les cas de figure.
Il convient ici de préciser que, la réforme actuelle s’inscrit dans la foulée de la loi du 6 Août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, loi nommée « Loi Macron ». Cette loi, qui précède la future réforme du code du travail, a déjà produite des effets problématiques en matière d’accès à la justice, qui risque de s’accentuer.
Une difficulté est à soulever à propos du raccourcissement du délai de recours. La précédente loi du 6 Août 2015 à modifier les règles de validité du dépôt d'un dossier aux prud'hommes.
Avant ladite loi, les salariés pouvaient constituer un dossier incomplet aux prud’hommes pour lancer la procédure. Les dossiers mal préparés retardaient certes le travail des prud’hommes mais il était encore possible de combler les lacunes en cours de procédure.
La loi du 6 Août 2015, dite Loi Macron, fut instauré pour permettre à la justice prud'hommale de gagner en rapidité.
Les règles ont changé : depuis août 2016, date de l'entrée en application du décret, les salariés doivent constituer un dossier complet avec toutes les pièces justificatives pour lancer une procédure prud’hommale.
L'objectif : en finir avec des délais d'attente de deux ou trois ans pour examiner des dossiers parfois incomplets, ce qui repoussait aussi le traitement des affaires.
Quelles conséquences risque de produire la combinaison de cette loi avec la réforme du code du travail ?
Les prud'hommes vont se vider progressivement. En effet, les nouvelles démarches judiciaires risquent de freiner les salariés dans leur volonté de faire valoir leurs droits devant les juges. La loi Macron de 2015 a déjà conduit à une baisse de près de 40 % du contentieux prud’hommal depuis le 1er août 2016. Cela risque d’augmenter.
Le mélange de ces deux lois va conduire à filtrer les plaintes déposées aux prud’hommes, bloquant les salariés les moins rompus aux questions judiciaires, conduisant aussi à devoir renvoyer des audiences à des dates plus tardives.
Les salariés lésés n’auront qu’un an pour déposer une plainte avec un dossier complet dont ils n’ont même pas l’assurance de constituer. Autant dire, ils risquent de perdre la possibilité d’avoir recours aux prud’hommes et donc, à la justice.