Qu’est-ce que la négociation collective ? Quel est le rôle des syndicats ? Qu’est-ce que la représentativité ? A quoi sert une convention collective ? Nous vous expliquons dans cette fiche tous les aspects de la négociation, son cadre juridique, ses incidences pour les salariés…
La négociation collective fait référence à la négociation d’accord collectif et de conventions collectives dans le but d’adapter les règles du code du travail aux spécificités des branches et entreprises. C’est un moyen de protéger les droits sociaux des salariés travaillant dans un même secteur d’activité par la négociation entre représentants syndicaux de salariés et représentants d’employeurs. Il s’agit de produire des normes au plus près des travailleurs, afin de prendre en compte les particularités de leur profession.
L'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail. Les syndicats professionnels peuvent s'organiser librement dans toutes les entreprises conformément aux règles qui suivent.
La convention ou les accords d’entreprise sont négociés entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise. L’employeur prend l’initiative de convoquer ces organisations et ne peut exclure une organisation représentative de la négociation, sous peine de commettre une discrimination syndicale. Plus précisément, ces organisations syndicales vont participer à la négociation d’accords collectifs par l’intermédiaire de salariés désignés comme délégués syndicaux (DS). Pour rappel, ces délégués syndicaux ne peuvent être désignés que dans les entreprises d’au moins 50 salariés.
Par ailleurs, la négociation fait l’objet d’une obligation pour l’employeur et s’impose dont à lui. Ainsi, la loi prévoit que dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage :
Chaque année, une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise ;
Chaque année, une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail ;
Tous les trois ans, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés mentionnées au premier alinéa de l'article L. 2242-13, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
Si l’employeur ne prend pas l’initiative de lancer une négociation pendant un délai de 12 mois pour les négociations annuelles ou pendant un délai de 36 mois pour la négociation triennale, n’importe quelle organisation syndicale représentative pourra demander cette négociation, qui s’engagera alors obligatoirement.
Malgré tout, près de la moitié des entreprises de plus de 50 salariés ne compte pas de délégués syndicaux et nombre d’entreprise emploie un effectif inférieur à ce seuil. Il existe alors des alternatives telles que le mandat d’un élu du personnel, par une organisation syndicale représentative, pour assurer la négociation en son nom, voire mandater de simples salariés si aucun élu ne se manifeste. Mais un élu mandaté sera prioritaire par rapport à un élu non mandaté qui sera lui-même prioritaire sur un salarié mandaté.
Avec la loi Rebsamen du 17 août 2015, la négociation a été facilité dans les entreprises sans syndicats, quel que soit leur effectif. Ainsi, il est possible de négocier avec les représentants élus du personnel, dans toutes les entreprises, même en l’absence de délégués syndicaux. Et dans le cas où l’entreprise compterait moins de 11 salariés et serait donc dépourvue de représentant du personnel, une organisation syndicale pourra toujours mandater un salarié pour assurer la négociation en son nom. A noter cependant que si l’entreprise compte plus de 11 salariés, il ne sera possible de conclure un accord d’entreprise avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés qu’à la condition qu’un procès-verbal de carence établisse l’absence d’élu ou lorsqu’aucun élu n’a souhaité négocier.
En cas de négociation d’accord avec des élus non mandatés, les projets d’accord devront être soumis à une commission paritaire de branche composée de membres de chacune des organisations de salariés ayant participé à la négociation, d'une part, et d'un nombre égal de représentants des employeurs, d'autre part. Cette commission devra alors rendre un avis motivé dans le mois qui suit. Jusqu’à 12 mois après l’adoption de l’accord, les salariés mandatés sont considérés comme des salariés protégés au même titre que le sont les délégués syndicaux normalement chargés de la négociation. Le ou les salariés mandatés vont bénéficier de 15 heures par mois, considérées comme du temps de travail et rémunérées comme tel par l'employeur, afin de pouvoir préparer la négociation de l'accord à intervenir.
La représentativité, c’est la capacité pour une organisation syndicale de représenter davantage que ses seuls membres. De s’exprimer et d’agir au nom de salariés d’une entreprise. Mais toutes les organisations syndicales ne sont pas représentatives.
La loi prévoit plusieurs conditions cumulatives pour qu’elles le soient :
Le respect des valeurs républicaines, qui implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et de toute intolérance ;
L'indépendance, vis-à-vis des employeurs, mais également des mouvements politiques et religieux ;
La transparence financière, qui implique l’obligation de tenir une comptabilité et des obligations liées à la certification et à la publication des comptes ;
Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'appréciant à compter de la date de dépôt légal des statuts;
L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience. C’est-à-dire les résultats objectifs d'une activité authentiquement tournée vers la défense des intérêts des travailleurs et pas seulement l'aptitude à faire connaître le syndicat ;
Les effectifs d'adhérents et les cotisations, comparés à l'effectif de l'entreprise et en fonction du taux de syndicalisation dans la profession. Les cotisations doivent être significatives ;
L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9.
Concernant cette dernière condition, pour être représentative au niveau d’une entreprise ou d’un établissement, une organisation devra avoir recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles survenues dans cette entreprise ou établissement.
Une branche professionnelle regroupe les entreprises d’un même secteur d’activité et relevant d’un accord ou d’une convention collective. Pour être représentative au niveau d’une branche professionnelle, une organisation syndicale devra respecter les mêmes conditions énumérées précédemment, sauf concernant l’audience où il lui sera demandé de recueillir au moins 8% des suffrages exprimés. Elle devra par ailleurs disposer d’une implantation territoriale équilibrée au niveau de la branche. Ce qui implique que l'organisation syndicale ait des adhérents répartis sur tout le champ géographique couvert par la branche, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas se limiter à une seule zone géographique de la branche.
Enfin, aux niveaux international et interprofessionnel, une organisation syndicale sera représentative à condition de respecter les 7 critères de bases, à cela près qu’elle devra avoir recueilli 8% des suffrages exprimés. Elle devra par ailleurs être représentative à la fois dans les branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services.
Les accords collectifs et les conventions collectives sont des catégories de normes, comme la loi. Le préambule de notre constitution actuelle précise en effet que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». La différence entre l’accord et la convention réside en ce qu’un accord collectif va traiter d’un thème particulier tandis qu’une convention collective va traiter de l’ensemble du droit du travail et l’adapter à un secteur particulier.
Ainsi par exemple, un accord d’entreprise peut porter sur un ou plusieurs sujets bien spécifiques tel que le salaire ou la formation professionnelle. Une convention collective, pour sa part, va préciser toutes les règles particulières du droit du travail, applicable à un secteur donné. Elle peut aussi bien traiter du contrat de travail que des conditions d’hygiène ou des congés payés par exemple.
Conventions et accords collectifs peuvent être conclus pour une durée déterminée ou indéterminée. Si un accord ou une convention est à durée déterminée mais ne prévoit pas cette dernière, par défaut la loi prévoit une durée de 5 ans. Les signataires de la convention ou de l’accord vont définir son champ d’application :
Au niveau géographique (national, régional, départemental) ;
Au niveau professionnel (interprofessionnel, branche d’entreprise…).
On distingue par ailleurs selon que ces conventions et accords soient ordinaires ou étendus. Dans le premier cas, ils ne vont s’appliquer qu’aux personnes qui l’ont signé ou qui sont engagées par les organisations syndicales les ayant signé. Dans le second cas, grâce à un arrêté d’extension du Ministère du travail, les accords et conventions étendus vont s’imposer à toutes les entreprises entrant dans leur champ d’application, même celles n’ayant pas adhéré à un syndicat signataire.
Un accord collectif ou une convention collective peuvent aussi ne concerner qu'une catégorie professionnelle déterminée relevant d'un collège électoral en particulier. Pour rappel, il existe le collège des ouvriers et employés, celui des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés et éventuellement celui des cadres si l’entreprise compte un nombre suffisant de ces derniers. On parlera alors d’accord ou convention catégorielle. Pour être valide, ces accords devront avoir été signés par des organisations représentatives cumulant au moins 50% des suffrages exprimés dans le collège électoral concerné.
Pour s’y retrouver dans l’application des différentes normes sociales, la loi prévoit la primauté de certaines sur d’autres. Ainsi, il existe un principe dit faveur qui s'applique aux rapports entre la loi et l'accord collectif signifie que l'accord peut déroger à la loi, mais seulement dans un sens favorable aux salariés. Depuis la loi travail, ce principe de faveur ne va s’appliquer que si un accord de niveau supérieur interdit expressément les dérogations défavorables aux salariés par accord de niveau inférieur. Dans le cas contraire, l'accord de niveau inférieur pourra déroger de manière moins favorable à l'accord de niveau supérieur, excepté en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires, de prévention de la pénibilité, d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Ainsi, dans ces matières, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ne peut comporter des clauses allant à l’encontre de celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels. Ce qui signifie que dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des règles contraires à celles prévues par un accord ou une convention ayant un champ d’application plus large.
Au niveau du contrat de travail, ce dernier ne peut déroger aux conventions et accords collectifs que dans un sens plus favorable au salarié. Cependant, là encore le principe de faveur à ses exceptions. Ainsi, la loi dispose que lorsqu'un accord d'entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi, il doit primer sur le contrat de travail qui contiendrait des clauses contraires et incompatibles. Il en va de même en matière de rémunération et de durée du travail. Dans ce cas particulier, il est précisé que la rémunération « mensuelle » du salarié ne pourra être diminuée, mais certains éléments de rémunération annuelle pourront être impactés.
Il s’agit d’un accord collectif conclu au niveau de l’entreprise, entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives dans cette entreprise. Pour être valide, cet accord devra avoir été signé par, d'une part, l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages (sous-entendu 50% à elles toutes s’il y a plusieurs organisations) exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des représentants au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel.
Par ailleurs, dans le cas où l’accord aurait été signé par des organisations syndicales ayant obtenu plus de 30% des suffrages mais moins de 50%, ces dernières pourront demander à ce que cet accord soit validé, dans un délai d’un mois à compter de sa signature, par le biais d’une consultation des salariés visant à valider cet accord. A compter de la demande de consultation, un délai de 8 jours devra s’écouler, le temps que d’éventuelles signatures d’autres organisations représentatives viennent s’ajouter. Passé ce délai, faute d’avoir atteint les 50% requis, une consultation des salariés devra être organisée dans un délai de 2 mois. Cette consultation pourra se faire par voie électronique et devra respecter les principales règles encadrant les élections.
Un accord ou une convention de groupe a vocation à produire effet auprès de tout ou partie des entreprises constitutives d’un groupe. La négociation se déroule entre l’employeur de l’entreprise dominante ou un ou plusieurs employeurs des entreprises concernées d’un côté et les organisations syndicales de salariés représentatives dans le groupe ou dans l'ensemble des entreprises concernées de l’autre côté. Au-delà d’un champ d’application plus large, la convention ou accord de groupe va emporter les mêmes effets qu’une convention ou qu’un accord d’entreprise. Pour être valide, l’accord ou la convention de groupe devra respecter les mêmes conditions que l’accord ou la convention d’entreprise. Bien entendu, les taux de 30 % et de 50 % sont appréciés à l'échelle de l'ensemble des entreprises ou établissements concernés. Dans le cas où une consultation des salariés devra être organisée, elle sera également effectuée dans ce périmètre.
Ces conventions ou accord peuvent produire effet au niveau national, régional ou local. Bien que le plus souvent il s’agisse de réguler toute une branche au niveau national. La négociation va être faite entre les partenaires sociaux au niveau de la branche. Les termes de partenaires sociaux renvoyant simplement aux représentants des principaux syndicats de salariés et aux principales organisations syndicales patronales. La validité de la convention ou de l’accord de branche va être subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés, représentatives, ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés au niveau de la branche lors des dernières élections professionnelles. Il faudra par ailleurs qu’aucune opposition ne soit formulée, dans un délai de 15 jours, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des mêmes élections.
Un accord national interprofessionnel (ANI), comme un accord collectif, va porter sur des points précis du droit du travail, comme les minima sociaux, les droits au chômage etc… La principale différence est qu’un ANI a vocation à s’appliquer à l’ensemble des branches professionnelles représentées, au niveau national, par les syndicats présents lors de la négociation. Il est fréquent qu’un accord national interprofessionnel créer de nouveaux droits pour les salariés ou prévoit plus de souplesse pour les entreprises. Il peut ainsi être précurseur de lois et règlements qui seront ensuite adoptés par le Gouvernement. Il est n’est en effet pas rare qu’un ANI fasse l’objet d’une loi suite à sa négociation ; le législateur formalisant dans les textes les modalités de l’accord obtenu.
Un employeur peut proposer à ses salariés un projet d’accord d’intéressement. L'intéressement a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise. Il présente un caractère aléatoire et résulte d'une formule de calcul liée à ces résultats ou performances. L’objet de l’accord sera donc notamment de déterminer les modalités de cette participation. Cet accord n’est pas obligatoire pour l’employeur, il est facultatif.
Un accord d’intéressement peut en effet être conclu selon l'une des modalités suivantes :
Par convention ou accord collectif de travail ;
Par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ;
Par accord conclu au sein du comité d'entreprise ;
Ou à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers des salariés, d'un projet d'accord proposé par l'employeur. Lorsqu'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité d'entreprise, la ratification est demandée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.
Depuis les lois Auroux du début des années 1980, le législateur donne toujours davantage de place à la négociation collective, notamment au niveau de l’entreprise. L’idée est de donner plus de pouvoir aux salariés pour négocier les normes qui s’imposent à eux, au plus près d’eux. Ainsi, à terme, la négociation, se traduisant par des conventions et accords, pourrait prendre le relai sur la loi dans la production de normes sociales.