Le harcèlement moral est de plus en plus fréquent et cause de plus en plus de maladies liées au travail. Afin d’aider nos lecteurs salariés, le Coin du Salarié a posé des questions à Monsieur Lionel Leroi-Cagniart psychologue du travail.
De formation littéraire, animateur socioculturel avant de devenir journaliste puis chef de service éducatif, Lionel LEROI-CAGNIART.
Pour faire court et clair, le recours au droit me parait judicieux pour définir le harcèlement moral au travail.
Dans le code pénal, le harcèlement est caractérisé par des agissements répétés. Pour autant, selon les termes de l’article 1er alinéa 3 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, la discrimination inclut " tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ". La récente jurisprudence indique qu’un seul acte peut suffire pour caractériser le harcèlement moral discriminatoire.
Le harcèlement moral peut donc se manifester par des gestes, des paroles ou une simple attitude. Ainsi, une personne est victime de harcèlement moral lorsqu’elle est confrontée à des situations humiliantes de façon répétée, dans l’exercice de ses fonctions ;
Le harcèlement moral dans le cadre professionnel se joue dans les relations interpersonnelles de travail, soit entre hiérarchie et subordonnés dans les deux sens, soit entre collègues. Le harcèlement peut être individuel ou institutionnel.
Le harcelé et le harceleur sont tous les deux victimes d’un système organisationnel qui permet le harcèlement. C’est donc une question qui pourrait être traitée par le collectif de travail. A défaut, il faut physiquement s’extraire de la situation ou de la relation et consulter individuellement pour décoder ce qui a causé le mal être.
C’est une démarche au long court pendant laquelle vous pouvez, avec l’aide d’un spécialiste, décomposer ce qui relève de l’organisation du travail. Vous serez ainsi accompagnés pour mettre à distance ce que vous vivez et dans le même temps préparer un dossier pour vous défendre si besoin.
L’issue de la demande n’est pas prédictible, mais vous éviterez le pire. Celui-ci étant de retourner contre vous-même les ressentiments accumulés.
Après avoir répertorié les actes répétitifs constitutifs d’un harcèlement, il s’agira de trouver une réponse adaptée pour chacun d’eux.
Rappelons que la personne ou le groupe qui s’engouffre dans les failles de l’organisation pour donner libre court à ses passions tristes est aussi à plaindre que la ou les personnes visées par ces agissements. Chaque action relevant de l’agressivité sera donc contenus dans des réponses adaptées. Un mot par exemple peut souvent faire cesser le délire et remettre du sens : Relativement au travail, concrètement ? Vous pouvez ainsi renvoyer l’échange sur le terrain du travail et non des affects moteurs de l’intention du harcèlement.
Nous pourrions multiplier les exemples. Il suffit de savoir que des solutions pratiques existent. Nous ne les détaillerons pas ici. Les premières semaines, vous passerez votre énergie à endiguer l’invasion, mais vous en sortirez plus forts en développant votre pouvoir d’agir.
Evitons les verbes guerriers. La force viendra de la raison qui prendra son temps. Certaines séquelles telles que : prises de poids, addictions, sommeil perturbé… peuvent disparaitre au fur et à mesure que vous maitrisez la situation. A défaut, il vous faudra être suivi par un spécialiste de la pathologie développée. Le coût de la prise en charge pourra même être assuré par l’employeur si vous êtes parvenus à faire aboutir une démarche d’imputabilité.
L’erreur majeure est de rester dans l’erreur. C’est-à-dire de s’enfoncer, s’engluer de façon réactionnelle dans la zone grise des passions tristes et négatives. Autrement dit, de répondre à l’agression sur le même mode : hausser le ton, menacer, ou à l’inverse, s’enfoncer dans la culpabilité ou le ressentiment. Le pire étant de retourner contre soi une haine accumulée.
Evoquer une reconstruction c’est induire qu’on n’a pas su contenir l’agression, ou l’agresseur à distance. Se faire aider, être soutenu par des personnes qualifiées me parait sage. La démarche peut s’avérer longue, mais salvatrice. Cela-dit, le meilleur rempart contre des situations pathogènes est encore de maitriser quelques concepts développés par la psychologie du travail pour agir en amont d’une situation.
En guise de dernier conseil : apprenez à décrypter le monde du travail. Plus vous comprendrez ce qui relève de l’organisation, mieux vous serez armé pour ne pas être la victime passive et souffrante.**** Déjouez les pièges de la soumission. Bâtissez vos arguments. Appréhendez les ressorts des discours qu’on vous sert et qui vous desservent. Gagnez en indépendance pour vous déprendre d’une souffrance à l’affût de l’envahissement.
Cliquez ici pour lire notre dossier sur le harcèlement moral.