Encore un peu trop souvent ignorés par les salariés, les conventions et accords collectifs sont pourtant dotés d’une importance majeure en droit du travail. Ils sont le fruit de la négociation entre les partenaires sociaux (organisations patronales et syndicats), ce qui permet de faire valoir des droits aux salariés sans passer par la loi. Depuis la loi El Khomri en 2015, il est possible pour les salariés de voter pour ou contre un accord lorsqu’ils sont consultés dans le cadre d’un référendum d’entreprise. Quel est l’enjeu ? A qui en revient l’initiative ? Quels sont les risques ? Eclairages.
Avant de tout vous expliquer sur le référendum d’entreprise, il est indispensable de rappeler le contexte et les règles en place avant 2015.
La date charnière avant 2015 fut celle du 20 aout 2008. Elle correspond à la loi portant rénovation de la démocratie sociale. Elle est venue compléter le système en place en matière de conclusion des conventions collectives :
Avant 2008 : La règle d’unicité des syndicats prévalait. C’est-à-dire, que pour être conclue une convention collective ne nécessitait la signature que d’une seule organisation syndicale, quelle que soit son influence, même minoritaire. Cela était un problème lorsque la convention en question réduisait des avantages dont disposait les salariés grâce à la loi ou d’autres conventions.
Après 2008 : La loi est venue rectifier cette problématique. Désormais, pour être valablement conclue, une convention collective requiert la signature de syndicat représentant au moins 30% des salariés (résultats aux dernières élections professionnelles). Mais ce n’est pas tout car le problème resterait toujours le même en l’état. Alors en plus de cette majorité de 30%, la loi a offert un droit d’opposition aux syndicats non signataires. Ainsi, l’accord ne doit pas faire l’objet d’opposition de la part d’un ou plusieurs syndicats représentants 50% des salariés. On peut également nommer cela « d’abstention majoritaire ». Même si la solution instaurée par la loi de 2008 est clairement plus claire et meilleure, elle reste perfectible. C’est probablement ce que pensait la ministre du travail Myriam El Khomri il y a deux ans. La loi a bouleversé le système en place créant l’apparition du référendum d’entreprise, toujours controversé.
Afin d’éviter le blocage des syndicats majoritaires, principale défaut du système en place, la loi El Khomri confère aux salariés la possibilité de s’impliquer directement dans la vie de leur entreprise.
Désormais, pour conclure un accord d’entreprise, la signature par un syndicat représentant 50% des salariés dans l’entreprise est requise. Si l’accord a été signé par un syndicat ne représentant que 30%, alors il pourra être à l’initiative d’un référendum d’entreprise. Cela consiste en la consultation des salariés. Ceux-ci auront à se prononcer sur la conclusion de l’accord ou non.
Le syndicat dispose d’un délai de deux mois pour lancer le référendum. Il doit avoir lieu sur le temps de travail. Evidemment, le scrutin est secret (possibilité de vote par voie électronique).
En l’état, ce système ne satisfait pas tout le monde. D’un côté les syndicats estiment que cette mesure n’est rien d’autre qu’un affaiblissement de la négociation collective, pourtant un droit fondamental et même reconnue par le Conseil Constitutionnel. Le problème aujourd’hui est que la légitimité des syndicats est mise à mal. En effet, seul 11% des salariés sont syndiqués en France.
De leur côté, les employeurs ne sont pas entièrement satisfaits car ils auraient aimé pouvoir être à l’initiative de ce référendum. Certains jugent cela risqué craignant le chantage à l’emploi, notamment la CGT qui s’est positionnée contre au contraire de la CFDT.
Depuis son instauration, deux référendums ont eu lieu. Un aboutissant à un « oui » chez Novo Nordisk et un « non » chez RTE. Le deuxième cas est le plus parlant. La CFDT était à l’initiative du référendum qui avait pour objet de validité un accord sur le temps de travail, les interventions d’électricien en dehors de leur temps de travail. La CFDT espérait, un oui mais les salariés ont voté « NON » à 70% avec un taux de participation s’élevant à 75% ! La CGT a su convaincre les salariés qui ont voté dans leur sens. La CFDT, elle, se félicite tout de même de cette « victoire de la démocratie sociale ».
Si la loi El Khomri ne prévoyait pas de possibilité pour l’employeur d’y recourir lui-même, les rumeurs vont bon train s’agissant de la réforme qui se profile sous le gouvernement d’Edouard Philippe. Il se pourrait que les employeurs aient également les clés du référendum aux mêmes conditions que les syndicats.
Déjà, lors de l’examen de la Loi El Khomri, le Sénat avait tenté de l’ouvrir au patron. L’Assemblée Nationale s’y était opposée. La CPME, porte-voix des petits patrons jugeait très utile cette réforme car il est parfois difficile d’adapter toutes les mesures à toutes les entreprises car elles sont toutes différentes dans leur fonctionnement.
La principale crainte est le chantage à l’emploi. L’entreprise Smart en Meurthe et Moselle était à l’initiative d’un référendum seulement consultatif (non décisionnaire) où les employés avaient accepté le passage aux 39 heures payées 37. Autrement, c’était la délocalisation et la perte de plusieurs centaines d’emploi.
Le référendum d’entreprise va dans le bon sens. Donner plus de force à la voix des salariés, compléter le système de conclusion des accords d’entreprise sont autant de bonnes idées. Cependant, la tâche des pouvoirs publics sera lourde car le chantage à l’emploi est un risque à ne pas prendre à la légère.