Contrat de travail

Peut-on refuser une tâche confiée par son manager ?

Un salarié est tenu d’accomplir les missions qui lui sont demandées dès lors qu’elles entrent dans ses attributions. Cependant il existe des cas dans lesquels il est en droit de refuser d’exécuter certaines tâches sans craindre d’être licencié pour faute.

1) Droit d’alerte et droit de retrait

L’article L4131-1 consacre le droit d’alerte du salarié qui peut se retirer de toute situation de travail à condition d’avoir une excuse valable et d’en informer immédiatement son supérieur hiérarchique. La loi vise en particulier la situation qui présenterait un danger grave et imminent pour la vie du salarié ou pour celle de ses collègues, mais plus largement ce dernier peut faire valoir son droit d’alerte dès qu’il est confronté à une faille relative à la santé et la sécurité dans son entreprise. Dès lors que le motif apparait un minimum sérieux, l’employeur ne peut contraindre le travailleur ayant demandé son retrait à reprendre l’activité jugée dangereuse.

A noter par ailleurs qu’un salarié ne peut pas être d’avantage contraint à exécuter des tâches, même relevant de ses attributions, dès lors qu’un médecin du travail l’a déclaré inapte à la réalisation des tâches concernées. Un certificat d’aptitude dressé par un médecin du travail pouvant donc justifier le refus d’un salarié d’exécuter certains travaux.

Attention cependant à ne pas faire usage de ce droit de retrait de façon abusive. En effet dans une décision du 25 novembre 2008, un salarié avait invoqué de façon illégitime ce droit pour interrompre son travail. Les conditions du droit de retrait n’étant pas réunies, l’employeur avait pu opérer une retenue sur la rémunération du salarié. Cependant il n'est pas possibe de licencier un salarié au motif que ce dernier a exercé son droit de retrait. Dans une décision du 25 novembre 2015, n°14-21.272, le retrait d’un salarié en mission à l’étranger « par précaution », tandis qu’il craignait une agression à caractère raciste, avait été considéré comme une faute grave par son employeur qui l’avait licencié. La Cour de cassation avait décidé que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, pour des faits liés à l'exercice du droit de retrait entraîne à lui seul la nullité du licenciement.


Pour plus d'information, consultez le droit d'alerte et le droit de retrait.


2) Le refus du salarié d’exécuter une tâche qui n’entre pas dans ses attributions

Les tâches qu’un salarié doit exécuter dans le cadre de son contrat de travail sont fixées dans ce dernier ou dans la convention collective de laquelle il relève. Dès lors qu’une tâche n’est pas prévue, le salarié est donc en droit de refuser de l’exécuter. Le fait qu’elle soit provisoire ou bien qu’il ait déjà accepté de s’en occuper par le passé n’y changeant rien. Ainsi, dans une décision du 15 janvier 2014, n°12-28.973, un ouvrier maçon avait été licencié pour cause réelle et sérieuse du fait de son refus d’exécuter une tâche entrant dans ses attributions. Le chef de chantier lui avait demandé d’effectuer des travaux de maçonnerie courant susceptibles d’être réalisés par un ouvrier de niveau inférieur. La convention collective du bâtiment de laquelle il relevait précisant qu’un ouvrier de son niveau pouvait être amené à faire des tâches simples telles que celles qui lui avaient été demandées, ce salarié n’était pas fondé à refuser la mission qui lui avait été confiée. La Cour de cassation avait donc rejeté la demande de l’ouvrier d’invalider son licenciement.

3) Le droit de ne pas enfreindre la loi

L’article 122-4 du Code pénal dispose que n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal. Ainsi dans une décision de la chambre criminelle du 28 février 1962, un salarié n’avait pu invoquer son devoir d’obéissance envers son employeur pour justifier avoir assisté ce dernier dans des actes condamnables alors qu’il pouvait en apprécier le but et les conséquences coupables. De même, dans une autre décision de la chambre criminelle en date du 14 janvier 1980, n°77-92.082, il avait été décidé que l’existence d’un lien de subordination entre un employé et celui qui l'emploie ne saurait avoir pour effet de soustraire cet employé à sa responsabilité pénale lorsqu'il se rend complice du délit de présentation de bilans inexacts commis par son employeur.


Conclusion

En principe, un salarié qui refuse d’exécuter une mission prévue dans son contrat de travail commet une faute qui peut justifier son licenciement. A contrario un salarié peut donc pas logiquement refuser une tâche que ni son contrat de travail, ni la convention collective dont il dépend prévoit pour son poste. Par ailleurs dès lors qu’il a conscience qu’on lui donne l’ordre d’enfreindre la loi, un salarié doit refuser d’obéir pour éviter d’être reconnu coupable de complicité. Enfin, la santé et la sécurité étant des préoccupations majeures dans l’entreprise, nul salarié ne peut être contraint à s’exposer lui-même ou à exposer ses collègues à un danger.