On sait par la jurisprudence récente de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation que tant l’employeur que le salarié sont légitimes à proposer à l’autre partie une rupture conventionnelle du contrat de travail les liant. L’échec de ces « négociations » ne prêtant finalement à aucune conséquence de droit.
Pourtant, la demande écrite ne saurait être systématiquement conseillée. En effet, il existe des distorsions naturelles entre les décisions des juridictions du fond (et surtout du premier degré, c’est à dire les conseils de prud’hommes) et celles de la Cour de Cassation. Lorsque la négociation n’a pas abouti et qu’un licenciement lui a fait suite, certains acteurs du droit social plaident ainsi encore -avec succès- le fait qu’un salarié, dont il est démontré qu’il a proposé la rupture conventionnelle, serait ainsi motivé uniquement par des considérations financières et démontre par la même une sorte de mauvaise foi qui accréditerait la thèse de la justification de son licenciement.
En clair des juridictions prud’homales mettent parfois au passif du salarié le fait d’avoir proposé une rupture conventionnelle avant un licenciement. On ne saurait dès lors le conseiller au salarié, quelle que soit la jurisprudence en la matière de la Cour de Cassation, qui est loin de connaitre d’ailleurs tous les litiges contentieux de droit du travail.
De façon marginale, dans certains cas, cette demande peut être conseillée. Il en va par exemple ainsi du cas de salariés « home-office » constituant le seul effectif d’entreprises étrangères et qui ne dispose ni de hiérarchie, ni de ressources humaines sur le territoire national. Cette demande écrite trouve alors son sens par la clarté qui la caractérise i.e le salarié souhaite partir, mais sans porter atteinte à la qualité des relations qu’il entretenait avec son employeur.
(NDLR : pour un modèle de lettre cliquez ici).
_La lettre de demande de rupture doit se borner à solliciter de son employeur la mise en place de la procédure de rupture conventionnelle à son profit, à savoir l’organisation d’un ou de plusieurs entretiens préalables. L’accord qui interviendrait alors à l’issue du dernier de ces entretiens prendrait la forme d’une rupture conventionnelle.
Le salarié doit également se garder de toute polémiques et de toute revendication ou réclamation dans le cadre de ce courrier qui doit rester factuel et centré sur la simple demande de mise en place de la procédure de rupture conventionnelle. Dans le cas contraire, il s’exposerait à ce que son employeur puisse ultérieurement utiliser son contenu dans le cadre d’un licenciement ou d’une procédure prud’homale diligenté à son encontre._
L’employeur peut souhaiter que le salarié rédige une lettre de demande de rupture afin de démontrer éventuellement plus tard qu’il n’a jamais été demandeur à la rupture. Cette précaution est compréhensible lorsque le salarié est effectivement à l’initiative de la procédure.
Dans le cas contraire, elle est nettement plus discutable et le salarié doit refuser de lui livrer cette lettre.
_Avant toute chose, le salarié doit bien s’informer des conséquences juridiques et financières d’une rupture de contrat de travail. De nombreux outils et acteurs du droit sont à sa disposition à ce titre.
Par exemple, il est fréquent que le salarié ne sache pas que son indemnité de licenciement sera calculée sur la base de ce que prévoit la loi, et non pas la convention collective applicable._
En fonction des organisations d’entreprises, les interlocuteurs naturels du salariés sont soit sa hiérarchie directe, soit les ressources humaines.
Il doit aborder son désir de voir son contrat rompu sans trop s’étendre sur les raisons qui l’y ont poussé et essayer de ne jamais entrer sur un terrain polémique. Ensuite, si la question lui est posée, il devra évoquer la contrepartie financière qu’il compte obtenir de la mise en oeuvre d’un tel dispositif. Il faut solliciter l’interlocuteur compétent dans le cadre d’un entretien informel ou le salarié fera simplement état de son projet. Il devra également préparer un argumentaire précis expliquant le montant de ses prétentions financières.
Il n'y a pas spécialement d'arguments à mettre en avant plus que d'autres, seul prévaut la nécessité de ne pas inutilement tendre les relations à ce stade.
L’erreur la plus fréquente consiste à « menacer » un employeur de ne plus rester aussi performant s'il ne faisait pas droit à la demande de rupture, le contrat de travail continuant en effet à s’exécuter pendant les discussions, et postérieurement à l’échec éventuel de celles-ci.
Une autre erreur consiste à solliciter une indemnisation trop élevée par rapport à ce qu’il peut obtenir ou en décalage par rapport aux capacités contributives de son employeur, d’où l’importance qu’il y a à bien se renseigner en amont. Réciproquement, l’erreur consiste souvent à accepter une indemnisation au rabais, et donc à son détriment, toujours en raison d’une ignorance de ces droits en pareille situation.
La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail et pas un mécanisme de règlement des litiges. Employeurs et salariés doivent intégrer dans leurs calculs le fait que des contentieux peuvent encore lui faire suite.
Il est conseillé à ce titre de « couvrir » l’ensemble du dispositif par la signature d’une transaction qui, elle, éteindra définitivement tout litige entre les parties.