La rupture conventionnelle votée par la Droite s’avère comme un succès phénoménal que le législateur actuel voit d’un mauvais œil : suppression envisagée d’exonérations, nombreuses fraudes au droit du licenciement, etc…Maître Philippe CHALINE, avocat spécialisé en Droit du Travail, est issu de la première promotion de l’Ecole des Avocats de Paris en janvier 1981. Il nous explique ici quels sont les défauts de la rupture conventionnelle et pourquoi la transaction à l’amiable ne doit pas être oubliée.
J'ai d'abord fait beaucoup de copropriété et de droit de la construction. C’est sous l’égide de feue Maître Sylvie BOCCARA, avocate brillante et regrettée en droit social, que j’ai pu obtenir mon certificat de spécialisation en justifiant d’une pratique constante et régulière du Droit du Travail ainsi que d’exploits jurisprudentiels dont un arrêt prononcé sous l’égide de Monsieur le Premier Président DRAI dont la presse spécialisée s’était alors fait l’écho.
Je qualifie parfois la rupture conventionnelle de "transaction du pauvre". J’ai notamment utilisé cette formule caricaturale à l’occasion d’un récent séminaire du Laboratoire de Droit Social de l’Université de Paris-Panthéon Sorbonne. Je pourrais aussi la qualifier de « pauvre transaction ». Aussi bien les avocats que les DRH pratiquaient depuis belle lurette, mais surtout pour les cadres, la rupture conventionnelle, avant sa facilitation apparente par la loi. Le législateur a purement et simplement voulu démocratiser la transaction, mais malheureusement sans en donner tous les moyens aux salariés.
En effet, comment assurer l’équilibre des forces, si le salarié ne peut être assisté que par un autre salarié de l’entreprise (dont on peut s’interroger sur l’indépendance), par une personne figurant sur une liste (dont on peut s’interroger sur la compétence, mais non sur la bonne volonté) et ce, pour assister aux entretiens préalables.
Je préconise par principe la transaction car rares sont les cas dans lesquels la rupture conventionnelle constitue le mode de rupture adéquat. En effet :
Or, si l’objectif de l’employeur est en fait de supprimer le poste du salarié sortant, n’y a-t-il pas une tentative d’abus du salarié à profiter des indemnités de Pôle Emploi, alors qu’il est en réalité démissionnaire, tandis que l’employeur peut se voir reprocher de vouloir éluder les obligations du licenciement économique ?
Ainsi, la rupture conventionnelle ne crée pas les conditions d’une parfaite sécurité juridique pour l’avenir, ni pour le salarié, ni pour l’employeur, contrairement à une transaction sous seing privé sous l’égide de « pros » du droit.
La rupture conventionnelle maquille un licenciement dès que l’on peut percevoir, et si possible démontrer, que l’employeur aurait pu licencier pour cause réelle et sérieuse (et a fortiori faute grave), ou pour cause économique, comme dans l’exemple précédent.
C’est pourquoi la jurisprudence applique avec rigueur les règles civilistes sur la capacité et le consentement, comme elle le fait déjà de longue date, dans le cadre de son contrôle des transactions, notamment quand elles sont conclues pendant, ou pire avant un licenciement en gestation.
La rupture conventionnelle peut être rétractée dans les quinze jours de sa signature par chacune des deux parties, se manifestant à l’égard de l’autre par lettre recommandée AR. L’homologation préalable par la DIRECCTE, contrairement aux apparences, ne vaut nullement absolution et garantie pour les parties signataires. En effet, si le salarié soupçonne, même après signature, son patron d’avoir voulu le licencier, il peut encore obtenir l’annulation par les juridictions judiciaires, s’il a des preuves. Il peut alors saisir le Conseil de Prud’hommes d’une demande en nullité et solliciter des indemnités pour licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse.
Par exemple, l’existence d’un simple avertissement adressé par l’employeur avant la signature de la rupture conventionnelle peut permettre de douter du caractère non-conflictuel de la relation employeur-salarié préexistant à la signature de l’accord (CA Paris cité ci-dessus) ?
Exemple de cas pratique sur ce sujet : une société rachetée par un nouveau propriétaire, jeune PDG plein d’entrain mais qui supprime des avantages accordés par le précédent propriétaire plus social ou plus laxiste. Si certains salariés prennent acte de la rupture ou/et saisissent les Prud’hommes, l’un d’entre eux accepte de signer une rupture conventionnelle, alors qu’il est un peu déprimé et qu’il se la voit proposée « à l’arraché » (sic). Que voulait le salarié : en finir avec un mauvais patron dans un litige qui le fatiguait, plutôt que de tenter de défendre ses droits. On peut se demander si son consentement est alors valable puisqu’en effet, après s’être ressaisi et avoir retrouvé à la fois la santé et une certaine distance à l’égard de cet employeur, il dépose une requête en nullité pour vice du consentement au Conseil de Prud’hommes ?
Il ne faut pas que nos concitoyens aient peur de l’avocat ou ne le considèrent que comme un plaideur.
L’avocat est très utile à titre préventif et certaines cultures ont parfaitement intégré ce rôle. Par exemple, de plus en plus de salariés me contactent pour envisager la validité des clauses d’un contrat de travail qui leur est proposé avant de le signer, alors qu’il y a vingt ans le premier cas de ce type qui s’était présenté à mon cabinet concernait un salarié certes français… mais né aux Etats-Unis et de parents américains…
L’avocat a manifestement fait peur au législateur dans le cadre de la rupture conventionnelle, alors qu’il est le meilleur médiateur, il vaut mieux avoir recours à son conseil extérieur et à son expérience du contentieux prud’homal pour bien finaliser une rupture conventionnelle, ou mieux une rupture transactionnelle.