Le bitcoin a atteint 15000$. Votre employeur peut-il vous verser votre salaire en bitcoin plutôt qu'en euro ? Si oui, est-ce une bonne affaire ? Il existe des règles de droit qui encadrent le versement du salaire et qui offrent aux salariés plusieurs garanties. Avec le développement de monnaies virtuelles et l'internationalisation des échanges, on pourrait se demander ce que la loi permet de demander à son employeur. Il faudra pour cela voir quel est l'état de la législation et son adéquation ou non avec la crytpo monnaie, le bitcoin, qui ne cesse de faire l'actualité.
D’après l’articles 30 du Code du travail, tout salarié a droit à une rémunération. Elle doit être versée selon une périodicité régulière, qui est de facto mensuelle depuis le 10 décembre 1977. Jusqu’au début du siècle dernier, le salaire pouvait être matérialisé comme l'employeur le souhaitait comme en bon d’achats par exemple, sans que le salarié ait son mot à dire. Une loi du 25 mars 1910, toujours en vigueur, est venue mettre de l’ordre dans ces pratiques. Aujourd’hui, le versement du salaire doit être fait en monnaie fiduciaire ou ayant cours légal en France. Cette notion de cours légal peut inclure la monnaie nationale, l’euro, mais également d’autres monnaies reconnues sur le plan international. En France, le salaire est versé en euro. Il existe cependant des exceptions, qui permettent d’être payé dans une devise étrangère. Ainsi, vous pouvez demander que votre salaire soit versé dans une devise différente de l’euro, si cette devise a un lien avec l’objet de votre contrat de travail (par exemple si vous travaillez à l'étranger pour un groupe français présent à l'international)
Le paiement des salariés doit être fait en liquide, par chèque barré, par virement ou grâce à des dispositifs particuliers (chèque emploi service ou associatif), conformément à l’article L. 3241-1 du Code du travail. Concernant le versement du salaire en liquide, il existe un plafond légal de 1 500 euros nets par mois, au-delà duquel le versement doit obligatoirement se faire par chèque ou virement.
Vous avez le droit de choisir le mode de paiement que vous souhaitez concernant le versement de votre salaire, mais vous ne pouvez pas imposer à votre employeur de choisir le virement au détriment du chèque, par exemple. En revanche, si votre salaire est inférieur à 1 500 euros net, vous pouvez demander à ce que votre salaire soit versé en liquide et il n’est pas possible de vous le refuser. De manière générale, vous ne pouvez pas choisir librement toutes les modalités liées au versement de votre rémunération.
La question du salaire est strictement encadrée dans le droit français et n’admet pas d’aménagements, pour intégrer une notion comme celle du bitcoin, qui n'entre dans aucune définition juridique préexistante. Le bitcoin n’est pas considéré comme une monnaie électronique par la Cour de Cassation, mais récemment elle a pu être définie comme étant une monnaie virtuelle, sans réellement correspondre à une monnaie au sens juridique. Elle utilise une technologie propre, la blockchain, pour fonctionner. Le bitcoin a un cours fluctuant et très volatile et s’il reste toléré par les Etats et qu’il est de plus en plus utilisé par certaines entreprises à travers le monde, il ne bénéficie pas d’un cours légal à proprement parler sur le territoire français. A ce titre, il ne peut pas être considéré comme une devise étrangère. De plus, son acquisition nécessite d’avoir un portefeuille virtuel, qui ne dépend pas d’une banque et donc par définition ne correspond pas à un mode de versement du salaire prévu par la loi.
Comme ultime limite, il reste à envisager que le bitcoin connaît des fluctuations telles, que son utilisation pour rémunérer des employés pourrait les mettre dans une réelle insécurité financière, incompatible avec le principe même de rémunération décente, qui anime le droit du travail français.
Au regard de l’état actuel du droit, il serait donc inenvisageable de recevoir des bitcoins sonnants et trébuchants à la fin du mois de la part de son employeur, mais la réalité est plus complexe. Tout d’abord, plusieurs Etats ont en effet permis certaines expérimentations. C’est le cas par exemple au Japon, où l'entreprise GMO a décidé de payer une fraction du salaire d’employés volontaires, en bitcoin.
Ensuite, Bitwage, start up spécialisée dans le paiement des employés d’une entreprise à l’international qui propose de verser des salaires directement en bitcoin, s’est installée en France pour développer ses activités. Le fait que la technologie utilisée par le bitcoin propose des transactions rapides, sécurisées et peu coûteuses le présente comme un outil intéressant pour les entreprises et leurs salariés. Il est possible d'imaginer que la législation française évolue rapidement pour envisager tous les cas de figure présentés par le bitcoin. En effet, la France souhaite être à la pointe de l'intégration de ces problématiques dans sa législation, qui ne connaît pour le moment pas de cadre européen. Ainsi, peut être l'année prochaine pourrons-nous vous dire, comment votre patron fait il pour verser votre salaire sur un portefeuille virtuel et peut-être devrons nous vous donner des conseils sur comment négocier un salaire en bitcoin.