La loi travail du 8 août 2016 a créé les accords de préservation ou de développement de l’emploi, mais de quoi s’agit-il ? Quels risques représentent-ils pour vous ? Nous vous expliquons tout ce que vous devez savoir dans cette fiche pratique.
Les accords de préservation ou de développement de l’emploi (APDE) ont été créés par la loi travail du 8 août 2016. L’objectif de ces derniers est de donner davantage de flexibilité aux entreprises en leur permettant de s’adapter plus rapidement aux variations d’activité et aux changements de conjoncture. Ce qui va notamment jouer sur leur compétitivité et à terme, devrait leur permettre d’employer plus.
La particularité de ces accords est qu’ils peuvent se substituer aux clauses du contrat de travail des salariés concernés. Ainsi, si l’un de ces derniers possède dans son contrat une clause qui serait incompatible et contraire à ce qui est prévu dans l’accord, c’est ce dernier qui s’imposera vis-à-vis de ce contrat de travail.
C’est pourquoi l’APDE est aussi appelé « accord offensif ». Il va primer sur le contrat de travail, même sur les clauses les plus essentielles de ce dernier, c’est-à-dire celles concernant la rémunération et le temps de travail du salarié. A la différence des accords de compétitivité et de maintien dans l’emploi, il n’est pas nécessaire que l’entreprise éprouve des difficultés économiques. Néanmoins, comme tout accord, celui-ci devra faire l’objet d’une négociation. Il n’est pas question pour l’employeur de pouvoir unilatéralement et arbitrairement imposer à ses salariés des modifications de leur contrat.
Un accord de préservation ou de développement de l’emploi est conclu, pour une durée déterminée qui est de 5 ans par défaut, dans le respect des règles relatives aux accords majoritaires en entreprise. Ainsi, pour être valablement conclu, un ADPE doit être signé, d’une part, par l’employeur ou son représentant et, d’autre part, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise (CE) ou de la délégation unique du personnel (DUP) ou, à défaut, des délégués du personnel (DP), quel que soit le nombre de votants. Précisons que si les organisations syndicales représentatives signataires d’un accord n’atteignent pas ce seuil de 50 %, il leur sera toujours possible de conclure un accord minoritaire dès lors qu’elles auront recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, l’accord devra alors être validé par le biais d’une procédure dé référendum.
Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, cet accord pourra être négocié et conclu avec des représentants élus du personnel, mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives. Ou à défaut d’élus, avec un ou plusieurs salariés pareillement mandatés par des organisations syndicales représentatives. Le recours à ces mandats est toujours possible dans les entreprises de moins de 11 salariés mais ne l’est, dans celles de plus de 11 salariés, qu’à la condition qu’un procès-verbal de carence, produit par l’employeur, établisse l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise.
S’il est vrai qu’un accord de préservation ou de développement de l’emploi peut modifier la rémunération d’un salarié, la loi prévoit cependant que le montant de cette rémunération ne pourra être inférieur à la moyenne sur les trois derniers mois précédant la signature de l’accord. Ainsi, il vous suffit d’additionner vos trois dernières paies, sur les trois derniers mois, et de diviser le tout par trois. L’accord ne pourra alors pas fixer une rémunération inférieure au chiffre obtenu. En cas de suspension du contrat de travail (congé, arrêt maladie etc…), sera prise en compte la rémunération qu’aurait perçu le salarié s’il avait travaillé pendant cette période.
Les éventuelles indemnités reçues au titre de la suspension du contrat de travail sont pour leur part exclues du calcul. Au-delà de la rémunération, l’accord peut modifier ou supprimer les modalités d'attribution, de calcul et de versement de tout ou partie des éléments de rémunération. Ainsi, il sera possible qu’il faille remplir de nouvelles conditions pour obtenir une prime, que de nouveaux éléments soient pris en compte pour le calcul de cette dernière ou simplement que cette prime soit supprimée.
L'employeur doit informer chaque salarié concerné de son droit d'accepter ou de refuser l'application de cet accord à son contrat de travail. Les salariés auront alors un délai d’un mois pour exprimer leur choix. Ce délai passé, et faute de réponse de leur part, leur silence sera interprété comme une acceptation. Par ailleurs, les salariés souhaitant informer l’employeur de leur décision devront le faire par n’importe quel moyen conférant date certaine et précise. Ainsi, il est préférable de faire connaitre son refus par un écrit tel qu’une lettre recommandée avec accusé de réception.
Les salariés refusant l’application de l’accord pourront être licenciés pour motif dit spécifique, qui confère une cause réelle et sérieuse au licenciement. L’employeur devra alors respecter la procédure de licenciement individuelle qui trouve normalement à s’appliquer en cas de licenciement économique. Il devra par ailleurs proposer au salarié licencié, lors de son entretien préalable de licenciement, de participer à un parcours d’accompagnement personnalisé (PAP). Enfin, il devra l’informer par écrit du motif spécifique en raison duquel le contrat de travail est rompu.
Un salarié qui refuse la modification de son contrat de travail suite à la conclusion d’un accord de préservation ou de développement de l’emploi s’expose à un licenciement mais peut alors bénéficier d’un parcours d’accompagnement personnalisé assuré par Pôle emploi. Il s’agit d’un dispositif d’accompagnement personnalisé suivant une procédure équivalente au contrat de sécurisation professionnelle (CSP). L’adhésion d’un salarié à ce parcours d’accompagnement personnalisé a pour conséquence la rupture de son contrat de travail et lui donne droit à une indemnité de licenciement. En revanche, il ne pourra bénéficier d’aucun préavis de licenciement, ni d’une indemnité compensatrice de préavis. Le salarié dispose d'un délai de sept jours pour accepter ou refuser le bénéfice du parcours à partir de la date de la remise du document proposant le parcours d'accompagnement personnalisé.
Plus concrètement, le projet d’accompagnement personnalisé est l’occasion de bénéficier de diverses prestations telles que :
Un éventuel bilan de compétences si cela s’avère nécessaire à l’orientation du stagiaire ;
Un suivi individuel de ce dernier, par l’intermédiaire d’un référent chargé de l’accompagner à tous les niveaux de son projet professionnel et d’évaluer le bon déroulement de son plan de sécurisation ;
Diverses mesures d’appui social, psychologique, d’orientation et d’accompagnement (comment réussir son entretien d’embauche, comment rechercher un emploi etc…).
Des actions de validation des acquis de l’expérience et/ou des mesures de formation incluant une évaluation prenant en compte l’expérience professionnelle du stagiaire.
Le parcours d’accompagnement personnalisé est conclu pour une durée de 12 mois et débute dès le lendemain de la rupture effective du contrat du salarié. Ce dernier acquerra alors le statut de stagiaire et sera considéré en formation professionnelle. Pendant toute la durée du PAP, à condition d’avoir travaillé au moins 12 mois dans l’entreprise de laquelle il a été licencié, le salarié percevra une allocation dont le montant équivaudra à 70% de son précédent salaire journalier de référence. L’ancien salarié pourra aussi décider de travailler pour une durée n’excédant pas 6 mois, en parallèle du PAP. Mais il perdra alors le bénéfice de l’allocation dont le versement sera suspendu le temps qu’il travaillera. Enfin, si à l’occasion du parcours d’accompagnement personnalisé, le salarié refuse une action de reclassement et de formation ou ne s’y présente pas ; ou bien s’il refuse à deux reprises une offre raisonnable de formation, il cessera de bénéficier de ce dispositif PAP.
Si un bénéficiaire du parcours d’accompagnement personnalisé décide de réaliser des périodes d’activité professionnelle en entreprise, c’est-à-dire s’il décide de travailler avant la fin de ce dispositif d’accompagnement, il pourra le faire sous forme de contrat de travail à durée déterminée ou de contrat de travail temporaire conclu pour au moins trois jours. Le cumul de toutes les périodes travaillées ne pouvant excéder 6 mois. Il sera par ailleurs nécessaire que le conseiller référent du stagiaire valide ces périodes de travail, après en avoir vérifié la cohérence avec le plan d’accompagnement personnalisé du bénéficiaire. Cette activité professionnelle étant réalisée dans le but d’augmenter les chances du stagiaire d’être reclassé.
Pendant ces périodes d’emploi, le bénéficiaire du PAP aura le statut de salarié de l’entreprise où il travaille. Le bénéfice du parcours d'accompagnement personnalisé et le versement de l'allocation sont suspendus. Enfin, dans le cas où le stagiaire retrouverait un emploi à durée indéterminée, un contrat à durée déterminée ou un contrat de travail temporaire d’une durée supérieure à 6 mois, il cessera alors tout simplement de bénéficier du parcours d’accompagnement personnalisé.
Les accords de préservation ou de développement de l’emploi, comme tout accord, font l’objet d’une négociation et prévoient des règles dans un domaine particulier, règles qui s’imposent aux salariés. Il s’agit de donner davantage de marge de manœuvre aux employeurs, en leur permettant d’adapter la relation de travail avec leurs salariés en fonction de la conjoncture économique. Bien que ces accords soient négociés avec des syndicats représentatifs, chargés de défendre les intérêts des salariés, ces derniers peuvent refuser que l’accord leur soit appliqué mais ils seront alors licenciés et pris en charge par un dispositif d’accompagnement personnalisé sur 12 mois, visant à leur permettre de retrouver rapidement un emploi.