Vous est-il déjà arrivé de recevoir un mail de votre employeur vous donnant un avertissement? Faut-il vous inquiéter, réagir ou au contraire ne rien craindre?
Maitre Zenou, est un avocat spécialisé dans les problématiques de droit social. Il intervient dans tous les domaines du droit social (droit du travail, protection social), et a acquis une véritable expertise qu’il met au profit des salariés. Il répond à nos questions.
L’avertissement fait partie des sanctions disciplinaires. En effet, lorsqu’un employeur constate qu’un de ses salariés a eu un comportement fautif, il dispose de tout un panel pour sanctionner le salarié.
Toutefois, le pouvoir disciplinaire de l’employeur est limité aux seules fautes que le salarié aurait commises, il ne peut sanctionner un salarié sur des motifs subjectifs ou inhérent à une simple mésentente. En résumé, l’employeur dispose d’un pouvoir de sanction que lorsque le salarié a commis une faute qu’il pourra démontrer.
L’article L.1331-1 du Code du travail donne une définition de la sanction disciplinaire :
« Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
Il existe cinq (5) formes de sanction possibles :
L’avertissement est une sanction disciplinaire mineure prévue en cas de faute légère, Ainsi, il a été jugé que l'avertissement est une des sanctions que peut encourir le salarié. Il s'agit d'une sanction mineure dans la mesure où elle n'a pas de conséquence sur la fonction, la carrière, la rémunération ou la présence dans l'entreprise du salarié (Cass. soc., 08-07-1970, n° 69-40468).
L’avertissement est à distinguer avec des observations verbales qui sont orales alors que l’avertissement est toujours écrit.
L’avertissement ne suppose pas la convocation à un entretien préalable. Il n’implique pas que le salarié soit convoqué à un entretien préalable puisque l’avertissement n’a pas d’incidence sur la situation du salarié.
En vertu de ce principe, l’employeur ne peut pas sanctionner deux fois la même faute. En effet, il est interdit à l’employeur que la faute soit sanctionnée par un avertissement puis sanctionnée à nouveau par une mise à pied ou une mutation.
Cependant lorsque des fautes de mêmes natures perdurent dans le temps (par exemple des retards), il n’y a pas de violation de la règle non bis in idem, l’employeur pourra sanctionner le salarié si les faits se renouvellent. L’employeur pourra prendre en compte des fautes antérieures pour sanctionner plus sévèrement le dernier fait fautif.
Ainsi, des reproches à un salarié qui l’invite à changer de manière impérative constitue un avertissement.
Il en va de même pour des retards répétés du salarié lorsque l’employeur avertit le salarié par message téléphonique.
Afin de sanctionner le salarié, l’employeur devra tenir compte des règles de prescription qui est de deux mois à compter de la découverte des faits par l’employeur. Ainsi, un retard survenu le 10 septembre pourra être sanctionné jusqu’au 10 novembre, au-delà la prescription a vocation à s’appliquer et les faits ne pourront plus faire l’objet de poursuites disciplinaires.
L’avertissement est la sanction la plus légère dans l’échelle du pouvoir disciplinaire de l’employeur. Cependant l’accumulation d’avertissement peut justifier un licenciement.
En effet, dès lors que le salarié reçoit plusieurs avertissements successifs sur une même faute (par exemple des retards) et que le salarié ne rectifie pas le tir, l’employeur est en droit de convoquer le salarié a un entretien préalable de licenciement.
En effet, un retard isolé n’entraine a priori aucune conséquence sur la bonne marche de l’entreprise, par contre, un ensemble de retards peuvent engendrer une désorganisation de l’entreprise.
A l’inverse, un salarié qui reçoit un rappel à l’ordre de son supérieur suite à des appels sur son téléphone portable personnel constitue une simple mise en garde et non un avertissement
On le voit la frontière entre l’avertissement et la simple mise en garde est tenue.
En vertu du principe non bis in idem, l’employeur ne peut pas sanctionner deux fois les mêmes faits. En conséquence, il ne pourra pas utiliser les faits qu’il reproche au salarié dans une procédure disciplinaire.
Ceci est confirmé par l’arrêt du 26 mai 2010 (n°08-42.893) en conséquence, le salarié pourra toujours se défendre en invoquant le principe de non bis in idem.
Le mail adressé à un salarié par son employeur contenant des critiques sur son travail et réclamant un changement radical dans sa façon de travailler constitue-t-il un avertissement ?
La cour de cassation a répondu par la positive dans un arrêt du 26 mai 2010, cependant la solution constitue une première et nous amène à nous interroger sur le terrain probatoire…
Pour pouvoir bénéficier de la qualification d’avertissement, le courrier doit être remis en main propre contre décharge au salarié ou envoyé par courrier recommandé avec accusé de réception au salarié.
Le courrier électronique est remis aux destinataires mais comment prouver la réalité de la délivrance du courrier électronique. Une solution par l’accusé de réception électronique ?
Cependant la solution vient à contrepied en estimant qu’un simple mail de reproches sur des manquements professionnels constitue un avertissement, l’employeur ne pouvant s’en servir comme motif de licenciement par la suite en vertu du principe non bis in idem.
La frontière est particulièrement tenue entre l’avertissement et le simple recadrage.
En résumé, dès lors que le salarié reçoit un mail de « recadrage » il devra être vigilant et rectifier immédiatement le tir. Des avertissements qui se répètent peuvent avoir des conséquences sur la bonne marche de la Société.
Un salarié qui reçoit des écrits doit immédiatement réagir et si besoin en répondant à l’employeur point par point aux griefs contenus dans le courriel.
En tout état de cause et comme il a été démontré ci-dessus, un courrier aura une force probante beaucoup plus importante qu’un simple mail de par sa notification (LRAR ou remise en main propre contre décharge) alors qu’un simple courriel a une valeur moins probante.
Cependant, il conviendra d’être toujours vigilant sur le contenu des griefs dans le courriel et toujours y apporter une réponse.
Le salarié devra toujours être vigilant sur les reproches que lui formule l’employeur. Le conseil que je peux prodiguer est de TOUJOURS répondre à des reproches en expliquant si nécessaire qu’ils ne sont pas fondés ou qu’ils se justifient pour telles ou telles raisons.