Qu'est-ce qu'un licenciement pour faute lourde ? Le salarié est-il privé de ses indemnités ? Peut-il voir sa responsabilité engagée ? Quelles sont les règles de preuve ? Quelle est la procédure applicable ? Quels sont les droits du salarié ?
Membre du cabinet MONDRIAN AVOCATS à Rennes (35000), Maître Bertrand Pagès est titulaire des mentions de spécialité en Droit du Travail et en Droit de la Sécurité Sociale et de la Protection Sociale. Il a une activité à la fois dans le domaine du conseil et dans celui du contentieux (Prud’hommes, tribunal des Affaires de sécurité sociale, Tribunal du contentieux de l’incapacité).
La faute lourde est la faute commise par un salarié avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise.
A titre d’exemples, on peut citer :
Le mobile du salarié doit être clairement établi, la gravité de la faute commise (par exemple un vol) n’impliquant pas forcément l’intention de nuire à l’employeur.
Comme en cas de licenciement pour faute grave, le salarié est privé de son indemnité de préavis et de son indemnité de licenciement, sauf disposition contraire de la convention collective applicable (très rare en l’espèce).
Par contre, depuis une décision du Conseil Constitutionnel du 2 mars 2016 statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, le salarié ne peut plus être privé de son indemnité compensatrice de congés payés comme cela était le cas jusqu’alors. En effet, la disposition incluse dans l’article L 3141-26 du code du travail qui prive le salarié de son droit à indemnité de congés payés a été jugée contraire à la Constitution car instituant une différence de traitement par rapport aux salariés dont l’employeur est tenu d’adhérer à une caisse de congés payés (dans le bâtiment par exemple) pour lesquels les dispositions de l’article L 3141-26 ne sont pas applicables.
Cette inconstitutionnalité peut être invoquée depuis le 4 mars 2016 dans toutes les instances non jugées définitivement.
Cette disposition du code du travail aurait pu aussi être remise en cause en application des règles européennes, la Directive 2003/88/CE consacrant en effet un droit à quatre semaines de congés payés par an dont le salarié ne peut être privé au regard du droit à la protection de la santé.
En principe, le salarié ne peut voir sa responsabilité civile engagée à l’égard de son employeur que s’il a commis une faute lourde et que l’employeur a procédé à son licenciement en invoquant cette faute lourde.
Aucune clause du contrat de travail, de la convention collective ou du règlement intérieur ne peut permettre à l’employeur d’engager la responsabilité civile du salarié si une faute lourde n’est pas caractérisée.
En revanche, l’employeur n’a pas besoin d’établir l’existence d’une faute lourde pour demander la restitution de sommes qui auraient été détournées par le salarié au détriment de l’entreprise ou de l’un de ses clients.
Le salarié peut voir sa responsabilité pénale engagée s’il commet une infraction dans le cadre de l’exécution de son travail, même si cela est fait sur instruction de l’employeur (corruption, harcèlement moral ou sexuel par exemple).
Comme en matière de licenciement pour faute grave, l’employeur a la charge exclusive de la preuve de la faute lourde qu’il reproche au salarié. Cette preuve peut être faite par tous moyens (pièces objectives, aveu du salarié, témoignages dans les formes légales…).
Comme toute procédure fondée sur la faute, elle relève de la procédure disciplinaire.
La gravité de la faute exige que l’employeur agisse à bref délai à partir du moment où il a une connaissance exacte et complète des faits reprochés au salarié. Il doit en tout état de cause agir dans le délai de deux mois de cette connaissance des faits en convoquant le salarié à un entretien préalable. A la suite de cet entretien il doit notifier le licenciement au plus tôt deux jours ouvrables après l’entretien (délai de réflexion imposé) et au plus tard dans le délai d’un mois.
De nombreuses conventions collectives prévoient en outre des garanties de fond au titre de la procédure disciplinaire que l’employeur a l’obligation de respecter sous peine de voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand bien même les faits reprochés au salarié seraient établis.
A titre d’exemple non exhaustif, on citera l’obligation de saisir un conseil de discipline.
En cas de licenciement pour faute lourde, le salarié peut le contester en saisissant le Conseil de Prud’hommes.
Si ni la faute lourde ni la faute grave ne sont retenues, il pourra prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés y afférents et à l’indemnité de licenciement.
Si aucune faute, même simple, n’est prouvée, il pourra prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
A toutes fins utiles, il convient de rappeler que contrairement à une croyance répandue, le salarié licencié pour faute grave ou lourde n’est pas privé du droit à être pris en charge par le Pôle Emploi.