Qu'est-ce qu'un licenciement pour inaptitude ? Quelle est la procédure à respecter ? Quelles sont les obligations de l'employeur ? Quels sont les recours du salarié face à un licenciement pour inaptitude ? Est-ce une procédure discriminatoire ?
Juriste pour le Gouvernement, puis Avocate au Barreau de Montpellier, Coralie MEUNIER exerce depuis toujours exclusivement en Droit du travail. Elle est également formée à la Médiation. Dans la pratique de son métier, elle privilégie les solutions amiables aux conflits entre salariés et employeurs, afin de permettre à chacun de trouver une issue rapide à l’impasse dans laquelle ils se trouvent. Elle intervient en particulier dans le cadre de Conseils, notamment en vue de la Négociation de la rupture d’un contrat de travail.
Il s’agit d’un des modes de rupture du contrat de travail d’un salarié pour motif personnel.
Dans l’exercice de mon travail de Conseil, je constate que de plus en plus de salariés sont déclarés inaptes à leur poste, en particulier dans le cadre de risques psychosociaux.
C’est donc devenu un mode de rupture fréquent de la relation de travail.
L’employeur a l’obligation d’organiser auprès des services de la médecine du travail dont il dépend, une visite de reprise, ceci dès le moment où l’arrêt de travail du salarié est égal à une durée de 30 jours suite à une maladie simple, un accident du travail ou un accident de trajet, sans condition de délai suite à une maladie professionnelle (Article R4624-22 du Code du travail).
Le délai légal maximal est de 8 jours pour cela (Article R4624-23 du Code du travail).
Le salarié peut également solliciter de son côté cette visite de reprise auprès de l’employeur, en prévision du terme de son arrêt de travail en l’informant que son arrêt de travail ne sera pas renouvelé ou en cas de négligence de l’employeur à l’organiser de lui-même.
Le salarié peut aussi solliciter le médecin du travail à tout moment pour faire constater son inaptitude, (Article R4624-27 du Code du travail).
Il peut le faire dans le cadre d’une visite de préreprise, c’est-à-dire avant sa reprise du travail, pendant qu’il est encore en arrêt de travail.
Il s’agit d’une faculté pour le salarié, non d’une obligation. Toutefois, cette visite de pré reprise peut être judicieuse. Elle permet de faire le point avec le médecin du travail sur son état de santé en vue de la visite de reprise ultérieure et de gagner ainsi du temps sur la procédure.
En effet, le salarié peut souhaiter vouloir sortir rapidement de l’entreprise. Cette visite de préreprise permettra ainsi, éventuellement, au médecin du travail de le déclarer inapte dès la première visite de reprise si l’examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus tard (Article R4624-31 du Code du travail), au lieu d’attendre 15 jours de plus pour le faire lors de la seconde visite.
Seul le médecin du travail est habilité pour se prononcer sur l’inaptitude du salarié. Ainsi, le médecin traitant, le psychiatre ou encore le médecin de la sécurité sociale du salarié ne sont pas habilités pour le déclarer inapte. Toutefois, il est préférable que le salarié puisse justifier d’un suivi médical approfondi pour démontrer son éventuelle inaptitude.
Par exemple, j’ai pu constater qu’en pratique, suite à un harcèlement moral ayant entraîné une dépression réactionnelle ou encore un burn out suite à une surcharge de travail, les médecins du travail demandent au salarié de justifier d’un certificat de leur médecin, leur faisant part de leur avis sur son état de santé propice ou non à reprendre le travail.
En particulier, le médecin du travail a tendance à exiger un suivi par un médecin psychiatre, au lieu et place d’un suivi par un psychologue, qui n’est pas habilité à délivrer des arrêts de travail pour maladie.
Une fois que le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur doit tout mettre en œuvre pour rechercher à le reclasser sur un poste adapté à son inaptitude, ceci au sein de la société, mais également au sein des entreprises du groupe auquel elle appartient.
A défaut de recherches loyales de reclassement, la société prend le risque d’être condamné par le Conseil de prud’hommes à verser au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Depuis la loi Rebsamen, l’employeur peut toutefois rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, ceci uniquement si l’inaptitude a une origine professionnelle (Article L1226-12 alinéa 2 du Code du travail).
Après l’étude du poste réalisée par le médecin du travail, avoir effectué les recherches de reclassement, notamment avoir sollicité le médecin du travail sur ses éventuelles préconisations supplémentaires, et dans le cas particulier de l’inaptitude d’origine professionnelle, avoir recueilli l’avis des délégués du personnel et avoir informé par écrit le salarié de l’impossibilité de reclassement, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable.
Il procédera ensuite à son licenciement dans les formes légales, comme pour toute procédure de licenciement pour motif personnel.
Toutefois, la rédaction de la lettre de licenciement doit revêtir une certaine motivation, à défaut de quoi le licenciement pourrait être jugé nul comme étant lié à l’état de santé du salarié ou a minima, sans cause réelle et sérieuse.
Cette procédure est donc complexe et il est préférable pour l’employeur de se faire assister par un Avocat. Il y’a en effet de nombreux écueils à éviter et plusieurs étapes à respecter.
Enfin, si les recherches de reclassement amènent l’employeur à dépasser le délai légal d’un mois après l’avis d’inaptitude, il devra reprendre le paiement de l’entier salaire, ceci jusqu’à la notification de son licenciement. Cette règle ne souffre d’aucune exception, étant prévue pour que l’employeur agisse au plus tôt pour ne pas laisser le salarié sans ressources.
Tout dépend de ce qu’il souhaite obtenir.
S’il entend contester son licenciement pour inaptitude, il peut saisir le Conseil de Prud’hommes pour demander des dommages et intérêts.
S’il souhaite invoquer une faute inexcusable de l’employeur à l’origine de son inaptitude, seul le Tribunal des affaires de sécurité sociale est compétent.
Si ce licenciement est lié à l’état de santé du salarié, discrimination habituellement prohibée par le Code du travail, la solution est différente ici dans la mesure où l’inaptitude du salarié a été constatée par le médecin du travail.
Bien sûr, le montant va juste dépendre de l’origine de l’inaptitude.
Si le salarié est déclaré inapte après un accident du travail ou si sa maladie a été reconnue par la Sécurité sociale comme ayant une origine professionnelle, il a droit au paiement de son préavis (même s’il ne peut l’effectuer) et au double de l’indemnité légale (et non conventionnelle) de licenciement.
Si le salarié est déclaré inapte après un accident de trajet ou une maladie simple, il n’a pas le droit au paiement de son indemnité compensatrice de préavis puisqu’il ne peut l’effectuer, mais il bénéficie de son indemnité de licenciement légale (simple et non double ici), ou conventionnelle si celle-ci est plus favorable.
Dans tous les cas, ce type de rupture ouvre droit au versement par l’employeur de son solde de tout compte, comprenant notamment l’indemnité compensatrice de congés payés non pris, et à une prise en charge par Pole Emploi dans le cadre de ses droits à chômage, au même taux et avec la même carence que pour les autres licenciements pour motif personnel.