Burn out

Benoit Hamon: "Une des priorités de la gauche doit être d’adapter la protection des salariés aux nouveaux risques."

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L'amendement Hamon à la loi Macron, dont le vote final est prévu dans les semaines à venir, va aboutir à une réelle reconnaissance de l'épuisement professionnel ou burn out comme maladie professionnelle. Le burn out est souvent considéré comme étant le mal de notre siècle. Ce terme désigne un état d'épuisement physique, émotionnel et intellectuel dû au travail. Cette souffrance au travail, pouvant aboutir jusqu'à des suicides, a alerté le personnel médical et social ainsi que certains députés. L'amendement de M. Le Député Benoît Hamon permettrait d'inclure le burn out dans les maladies professionnelles et donc de faciliter sa prise en charge. Nous vous livrons l'interview exclusive que nous a accordé Benoit Hamon dans laquelle il défend son amendement et nous explique pourquoi il est nécessaire de prendre en charge la souffrance au travail.

1. Quelles ont été vos principales motivations pour proposer ces amendements visant à faire reconnaitre le burn out comme maladie professionnelle ?

" A mon sens, il est du rôle du politique d’être attentif aux conditions de travail. Il est normal de demander aux entreprises de s’adapter, d’être plus réactives et innovantes. Mais on ne peut encourager ces changements sans se préoccuper des impacts sur la santé des salariés. Une des priorités de la gauche doit être d’adapter la protection des salariés aux nouveaux risques. Cette exigence politique s’inscrit dans l’histoire de la gauche et des conquêtes sociales : Interdiction du travail des enfants, congés payés, réduction du temps de travail, droit de grève… Enfin, mes motivations sont aussi d’ordre pragmatique : aujourd’hui cela coûte plus cher de soigner ces pathologies que de les prévenir. Et sans reconnaître ces pathologies, il est impossible de les prévenir correctement au sein des entreprises. "

2. Que pensez-vous de la formule qui lui est attachée « Le mal professionnel de notre siècle » ? Quelles sont les principales causes, selon vous, de ce « mal » ?

" La souffrance au travail apparaît avec tant de force aujourd’hui parce qu’elle est à la croisée des chemins de plusieurs bouleversements : l’irruption de nouvelles technologies, la pression exercée sur les salariés aux fins d’une productivité toujours accrue, la prise de pouvoir des actionnaires.... C’est en effet un mal de notre temps qui découle de l’organisation actuelle du marché du travail. Le burn-out touche des millions d’actifs de tous secteurs confondus : agriculteurs, enseignants, cadres, chefs d'entreprises... "

3. Aujourd’hui, quels sont les moyens pour un salarié victime de burn out de faire reconnaitre son état ? Bien plus, quelles sont ses chances de voir ses demandes reconnues ?

" Aujourd’hui cette reconnaissance, en tant que maladie professionnelle, est rare. Le chemin pour y parvenir est un parcours du combattant. Quelques dizaines de pathologies psychiques sont seulement reconnues chaque année alors même que le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles recensait, de 2001 à 2009, 10 574 signalements pour troubles mentaux ou de comportement liés au travail. Les maladies psychiques ne sont pas inscrites dans le tableau des maladies professionnelles. Celui-ci fut créé par une loi de 1919 et a été modifié de nombreuses fois pour s’adapter aux nouvelles maladies professionnelles. Il est donc nécessaire de modifier ce tableau pour l’adapter à la réalité actuelle du travail et intégrer les maladies psychiques. "

4. Actuellement, il existe une procédure complémentaire devant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Quelles sont les principales difficultés rencontrées par le salarié qui engage cette procédure ?

" Dans cette procédure le taux minimum d’incapacité permanente partielle (IPP) requis pour instruire une demande est de

5. Pourriez-vous nous présenter les grandes lignes de vos amendements au projet de loi sur le dialogue social ?

" Le burn-out est un mot un peu valise pour traduire plusieurs affections psychiques, mais au bout du compte

6.  Mise en situation : Demain, le burn out est reconnue comme maladie professionnelle. Qu’est-ce que cela change concrètement pour le salarié victime ? Ses démarches sont-elles simplifiées ? Ses chances de voir ses demandes reconnues sont-elles plus élevées ?

" Cette reconnaissance est indispensable pour faire que les effets de l’épuisement nerveux au travail soient à la charge de ceux qui en sont responsables, c’est-à-dire les employeurs. Aujourd’hui, par absence de reconnaissance, c’est le régime général de la Sécurité sociale et donc la collectivité dans son ensemble qui en supporte les effets. En garantissant une reconnaissance en maladie professionnelle, on protège le salarié victime de burn-out socialement mais aussi moralement en ne masquant pas le mal dont il souffre. En changeant les règles, on permet aux salariés victimes de burn-out de pouvoir engager des procédures et de les voir aboutir. Si ce débat a pris une ampleur considérable c’est que les maladies psychiques liées au travail sont une réalité quotidienne pour des milliers de salariés. D’ailleurs, je reçois des centaines de témoignages de salariés qui veulent sortir leurs situations de l’ombre. "

7. A travers ces amendements, quel rôle donnez-vous au médecin du travail et à l’inspecteur du travail ? A quel moment le salarié victime peut-il se tourner vers eux ?

" Aujourd’hui, les médecins du travail, les inspecteurs du travail, ainsi que les membres du CHSCT n’ont qu’un rôle très réduit pour accompagner les salariés victimes de burn out. L’épuisement professionnel étant considéré comme une maladie ordinaire, le secret médical s’applique donc personne ne parle de cette maladie au sein des entreprises. Or ces différents acteurs peuvent avoir un rôle très positif. Par exemple, il ne peut y avoir une prévention opérationnelle sans un dialogue actif entre les acteurs qui portent cette prévention (médecins du travail, DRH, membres du CHSCT). Il n’existe aucun dispositif de prévention adaptée. Les employeurs doivent chaque année réaliser un document unique pour l’évaluation des risques auxquels sont exposés les salariés. La rénovation du système permettrait d’y inscrire les maladies professionnelles d’ordre psychique, d’instaurer une traçabilité de ces maladies et de renforcer une prévention adaptée au sein des entreprises. Les politiques de prévention au sein des entreprises sur les maladies psychiques sont intrinsèquement liées à une politique de reconnaissance. "

8. Actuellement, les congés pris pour burn out sont pris en charge par l’assurance maladie. Si le burn out est reconnue comme maladie professionnelle, ce sera alors à la branche accident du travail et maladie professionnelle de la sécurité sociale de le prendre en charge. En quoi est-ce une mesure forte selon vous ? Cela va-t-il modifier le rôle et les obligations de sécurité de résultat de l’employeur ?

" Oui, je pense que c’est une mesure forte. Il serait urgent de faire basculer le financement des effets de l’épuisement professionnel sur la branche Accidents du Travail – Maladies Professionnelles (AT-MP), financée à 97% par les cotisations patronales. Les entreprises qui connaissent des cas d’épuisement professionnel se "défaussent" sur le régime général de leurs obligations de prévention. La prévention devrait y gagner puisque les entreprises seront désormais incitées à prévenir un risque qu'elles devront indemniser s'il survient. Cela a été le cas, par exemple, avec la réduction du nombre d'accidents mortels dans les entreprises au cours des 15 dernières années. Ce progrès est notamment lié à la tarification très dissuasive en cas de décès suite à un accident du travail. "

9. Si vous deviez être salarié en entreprise, quel métier choisiriez-vous ? Auriez-vous une pensée, une anecdote pour les salariés ?

" J’ai déjà  été salarié du privé dans plusieurs sociétés d’étude de l’opinion. Mais aujourd’hui, je choisirais l’entreprenariat social, un modèle d’entreprise qui combine lucrativité limitée, gouvernance démocratique et résilience. En clair, je me saisirais des nouvelles opportunités de création et de développement d’entreprises sociales ouvertes par la loi sur l’Economie Sociale et Solidaire. "