Le harcèlement moral au travail reste un sujet tabou. Présent dans toutes les catégories professionnelles et à n'importe quel niveau de la hiérarchie, il est souvent difficile d'en parler autour de soi. L'employeur est-il encore le garant de la santé et de la sécurité de ses employés ? La jurisprudence tend à devenir plus clémente avec ce dernier...
C'est l'article L1152-1 du code du travail qui définit légalement le harcèlement moral par : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."
"Aucun salarié ne doit subir de harcèlement moral" est à comprendre dans sa globalité car l'employeur ne doit pas non plus en être victime. Il peut arriver à un salarié exerçant son travail sous n'importe quel type de contrat (CDD, CDI ainsi que les stagiaires, apprentis etc...). Peu importe l'ancienneté du salarié dans l'entreprise ou la taille de cette dernière, un harcèlement moral peut être caractérisé.
Le harcèlement doit faire l'objet d'une répétition de faits qui peuvent se dérouler sur une courte période ou sur une longue période (de quelques jours seulement à quelques années).
En effet, un acte unique ne peut constituer un acte de harcèlement moral.
En outre, le harcèlement doit :
Il s'agit là de 3 critères alternatifs et non pas cumulatifs.
L'employeur est-il le garant de la protection de ses salariés ? Peut-il s'exonérer de sa responsabilité ?
Il a, à l'égard de ses employés, une obligation de sécurité de résultat c'est à dire qu'il doit mettre en place différentes mesures (d'information, de formation, de prévention) pour veiller à la protection de ses salariés aussi bien sur le plan physique que sur le plan moral.
En matière de harcèlement moral, l'employeur a toujours eu une obligation de sécurité de résultat à respecter c'est à dire que, s'il manque à son obligation, sa responsabilité peut être engagée et l'absence de faute de sa part ne peut l'exonérer de sa responsabilité. De plus, dès qu'un acte de harcèlement est reconnu comme tel, cela constitue un manquement à son obligation quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser les agissements du harceleur.
Si dans un arrêt "Air France" du 25 novembre 2015, la Cour de Cassation semblait déjà prendre le contre pied de sa jurisprudence antérieure en atténuant l'obligation de sécurité de résultat en une obligation de moyens renforcés, son dernier arrêt concernant le harcèlement moral datant du 1er juin 2016 semble peu à peu confirmer cette évolution jurisprudentielle...
En effet, dans un arrêt du 1er juin 2016, la Cour de Cassation a statué sur une affaire de harcèlement moral envers un salarié dans laquelle l'employeur avait mis en place tous les moyens mis à sa disposition pour faire cesser les agissements à l'origine du trouble.
Dans cet arrêt, la Cour a précisé qu' "attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser".
Autrement dit, si l'employeur a pris des mesures immédiates pour faire cesser les agissements du harceleur et a mis en place les moyens dont il dispose pour y arriver (information, prévention, formation etc...), il peut être exonéré de sa responsabilité et ce, même si cela n'a pas eu l'effet escompté c'est à dire la fin du harcèlement.
La très récente jurisprudence en matière de harcèlement tend à être en faveur de l'employeur. Mais peut-on vraiment parler d'une nouvelle règle à suivre ? Il est encore beaucoup trop tôt pour le dire et cet arrêt ne peut pas faire, à lui seul, revirement de jurisprudence.
L'obligation de sécurité de résultat de l'employeur en matière de harcèlement moral tend vers une atténuation du principe. Reste à être attentif aux prochains arrêts que la Cour de Cassation prendra en la matière afin de voir si elle confirmera ou non, sa position.