La rupture conventionnelle collective, nouvel outil de rupture du contrat de travail fait débat.
Pourquoi l'utiliser, pourquoi l'accepter en tant que salarié, comment la négocier ?
Maître Alexis GALTES, avocat au barreau de Lyon, a répondu à nos questions. Maître Alexis GALTES exerce dans le domaine du droit du travail et du droit de la sécurité sociale
La rupture conventionnelle collective est un dispositif permettant à un employeur et aux organisations syndicales de convenir, dans le cadre d’un accord collectif, de la rupture d’un commun accord du contrat de travail des salariés qui sont candidats à un départ volontaire. L’accord conclu doit alors faire l’objet d’une validation par la Direction Régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) avant d’être mis en œuvre.
Elle permet ainsi à une entreprise d’adapter sa masse salariale en fonction des besoins de son activité sans avoir à justifier d’un motif économique.
Toutefois le gouvernement a prévu des gardes fous qui se traduisent par la nécessité :
II) Est-ce que la RCC concerne uniquement les grands groupe ou également les entreprises de taille plus modeste ?
La procédure de rupture conventionnelle collective suppose au préalable de conclure un accord collectif majoritaire au sens de l’article L.2232-12 du Code du travail.
Autrement dit pour être valable l’accord collectif doit :
La rupture conventionnelle collective a ainsi vocation à être mise en œuvre dans des entreprises où il existe des organisations syndicales représentées par les délégués syndicaux qu’elles ont désignés. Les entreprises concernées sont donc au premier abord des entreprises d’au moins 50 salariés.
D’autant que ce dispositif constitue indéniablement un outil à disposition des services de ressources humaines dès lors qu’il vise à fluidifier l'organisation des entreprises et leur gestion prévisionnelle des emplois. Raison pour laquelle, les grands groupes (PIMKIE, PSA..etc) ont rapidement envisagé d’y avoir recours.
Cependant, il ne s’agit pas pour autant d’un outil exclusivement dédié aux grandes entreprises.
En effet, l’ordonnance relative au renforcement du dialogue syndical a notamment assoupli le régime des négociations dérogatoires permettant à des entreprises dépourvues de délégués syndicaux, de conclure des accords collectifs notamment par voie de référendum ou par accord avec les membres du comité social et économique (mandatés ou non) voire le cas échéant, un ou plusieurs salariés mandatés.
Par conséquent, il est possible, en l’état des textes en vigueur, à des entreprises de taille modeste dont l’effectif est inférieur à 50 salariés de conclure un accord collectif de rupture conventionnelle sans organisation syndicale représentative.
Les décrets relatifs à la rupture conventionnelle collective ne comportent pas de dispositions particulières concernant les séniors.
Néanmoins l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail prévoit que l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective doit faire l’objet d’un contrôle de la DIRECCTE comme il existe déjà pour les ruptures conventionnelles « individuelles » ou encore en matière de validation ou l’homologation des plans de sauvegarde pour l’emploi. Or, la DIRECCTE porte une attention particulière, lors de son contrôle, à ce que le dispositif mise en œuvre (PSE ou rupture conventionnelle individuelle) ne soit pas discriminatoire à l’égard des séniors ni ne constitue un moyen détourné visant à les priver de leurs droits.
D’autant qu’en amont le dispositif aura été, dans la plupart des cas, négocié avec les organisations syndicales et je doute que ces dernières, investies de la défense des droits et intérêts des salariés, puissent conclure un accord qui serait défavorable aux séniors.
En résumé, la négociation par les organisations syndicales de l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective, d’une part, et le contrôle de l’administration, d’autre part, constituent en mon sens une garantie suffisante pour les séniors
Par ailleurs, la loi pour le financement de la sécurité sociale au titre de l’année 2018 a aligné le régime indemnitaire de la rupture conventionnelle collective sur celui de la rupture conventionnelle individuelle.
Ainsi, lorsque le salarié volontaire est en droit de bénéficier d’une pension de retraite au titre d’un régime légal obligatoire, l’indemnité de rupture conventionnelle versée dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective ne bénéficiera pas du régime de faveur normalement applicable et sera assujettie à cotisation et contribution sociales dès le premier euro.
L’utilisation de la rupture conventionnelle collective en vue de se séparer des seniors n’est donc pas forcément opportun sur le plan économique pour une entreprise.
Toutefois, il est vrai que l’accord collectif mettant en œuvre la rupture conventionnelle peut contenir des mesures incitatives au départ des séniors
A titre d’illustration : l’accord collectif conclu par PSA en date du 19 janvier 2018 relatif à la mise en œuvre de mesures de ruptures conventionnelles collectives contient des mesures incitatives au départ à la retraite des séniors avec notamment une dispense totale d’activité (d’une durée maximale de 3 ans pour les ouvriers et ETAM , et 2 ans pour les cadres), un maintien à 70% de la rémunération annuelle et une prise en charge maintien des cotisations retraites sur la base d'un temps plein.
L’avantage étant de permettre un renouvellement des âges et des compétences au sein du personnel dès lors que, contrairement à ce qui existe en matière de licenciement économique, une entreprise peut embaucher sans risque des salariés en CDI mais également en CDD postérieurement à la mise en œuvre d’une rupture conventionnelle collective.
PSA prévoit ainsi l’embauche concomitante de 1300 embauches en CDI en 2018 parallèlement aux 2200 départs programmés sur la même période.
Oui et non.
En effet, il convient de distinguer les plans de départs de volontaire inclus dans les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) et les plans de départ volontaire hors PSE :
Dans cette hypothèse, la nouvelle procédure de rupture conventionnelle collective n’a pas vocation en soi à se substituer au PSE dont la mise en place demeure obligatoire lorsque les conditions légales sont réunies.
En revanche, elle permet effectivement, en amont, d’anticiper l’existence d’une menace pour la situation économique et financière de l’entreprise ou sa compétitivité et par conséquent, le cas échéant, d’éviter la mise en place d’un PSE.
Le régime juridique des PDV (plan de départ volontaire) hors PSE n’était pas encadré.
La rupture conventionnelle collective a justement pour but d’encadrer ce dispositif de sorte que les nouveaux départs volontaires devraient dorénavant s’inscrire obligatoirement dans ce cadre.
Autrement dit, même si on attend encore les précisions de l’administration et de la jurisprudence sur ce point, il ne sera plus possible a priori de mettre en œuvre des plans de départs volontaire (hors PSE) sans suivre le régime de la procédure de rupture conventionnelle collective.
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec les ruptures individuelles amiables de contrat de travail qui sauf exception doivent suivre la procédure légale prévue pour la rupture conventionnelle. Dans le cas contraire, la rupture s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 21 décembre 2017 (n°16-12780).
Il s’agira à mon sens principalement de contentieux liés à la validation de la rupture conventionnelle collective par la DIRECCTE dès lors que l’article L1237-19-8 du code du travail précise que l'accord portant rupture conventionnelle collective, son contenu, et la régularité de la procédure précédant la décision de l'autorité administrative ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation.
La particularité étant que ce contentieux ne relève pas du Conseil de prud’hommes mais du Tribunal administratif avec les spécificités procédurales que cela implique.
En parallèle, il y aura vraisemblablement des contentieux afférents aux ruptures du du contrat de travail des salariés ayant adhéré à la rupture conventionnelle collective, qui pour leur part sont de la compétence du Conseil de prud’hommes.
Conformément au nouvel article L.1237-19-1 du code du travail, l’accord collectif support de la procédure de rupture conventionnelle collective doit notamment prévoir « les mesures visant à faciliter les reclassements externes des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formations, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou la reprise d’activités existantes par les salariés ».
Contrairement à ce qui existepour les PSE et plus largement en matière de licenciement pour motifs économiques, l’employeur ne doit pas respecter une obligation de reclassement interne. Il est donc parfaitement envisageable de mettre en œuvre une procédure de rupture conventionnelle collective en dépit de l’existence dans l’entreprise ou dans le groupe de poste disponibles sur lesquels les salariés pourraient potentiellement être reclassés.
En ce qui concerne le reclassement externe des salariés concernés, l’accord collectif devant comprendre des actions en ce sens, il appartiendra aux syndicats d’être vigilants afin que cet item ne soit pas mis de côté lors des négociations, étant précisé qu’il appartient, en tout état de cause, à la DIRECCTE de vérifier notamment la présence de ces mesures conformément à l’article L.1237-19-3 du Code du travail.
Reste qu’une lecture littérale de l’article L.1237-19-3 du Code du travail me fait penser que le rôle de la Direccte dans ce domaine se limitera à l’existence de mesures de reclassement externe et ne portera pas, comme en matière de d’homologation des PSE, sur l’adéquation entre ces mesures et les moyens de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient.