La rupture conventionnelle collective, a été annoncée comme un apport important de la dernière la loi travail. Ce dispositif vient s'ajouter aux nombreuses possibilités existantes pour l'employeur, de rompre un contrat de travail. Quels sont ses enjeux, comment s'applique-t-elle ? Nous avons voulu mieux comprendre son fonctionnement, grâce à l'expertise de Maître Marie-Océane Gelly.
Maître Marie-Océane Gelly est avocate en droit du travail et a fait le choix d’exercer uniquement dans cette matière et de conseiller et défendre exclusivement les salariés. Quotidiennement, maître Marie-Océane Gelly est amenée à conseiller les salariés dans le cadre de la négociation de leur contrat de travail, de la défense de leurs droits durant la relation de travail, de la défense de leurs droits durant la relation de travail (souffrance au travail, harcèlement, discrimination, maladie ou accident du travail) et lors de la rupture de leur contrat. Elle assiste également les salariés avec détermination, dans le cadre de négociations d’accords amiables et devant les juridictions (Conseil de prud’hommes, Tribunal des affaires de sécurité sociale, Cour d’appel).
Il s’agit d’un nouveau mode de rupture d’un commun accord des contrats de travail, entré en vigueur le 23 décembre 2017. Ce dispositif permet à un employeur de supprimer plusieurs emplois sans faire état d’un motif économique, dans le cadre de ruptures conventionnelles conclues avec les salariés.
Ces ruptures conventionnelles sont spécifiques puisqu’elles interviennent en application d’un accord collectif conclu avec les représentants habilités et validé par l’Inspection du travail.
Aucune condition d’effectif n’a été posée, toutes les entreprises peuvent donc mettre en place cette procédure, dès lors qu’elles parviennent à négocier un accord collectif à ce sujet.
Il n’existe pas non plus de limitations du recours à cette procédure, qui devrait donc pouvoir intervenir à tout moment, sous réserve de ne pas être détournée à des fins économiques ou discriminatoires.
Par principe, le droit applicable aux licenciements pour motif économique n’est pas applicable : la procédure de rupture conventionnelle collective est en effet censée être déconnectée de toute préoccupation économique.
L’accord collectif de rupture conventionnelle doit néanmoins prévoir « des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ».
Cette procédure offre toutefois aux salariés des garanties bien inférieures à celles prévues dans le cadre de licenciements pour motif économique.
Ainsi :
Il est à ce titre à craindre que des employeurs mettent en place une procédure de rupture conventionnelle collective en prévoyant des indemnisations pouvant sembler avantageuses pour les salariés à court terme, les incitant à adhérer à ce dispositif, alors qu’ils seraient beaucoup plus sécurisés à moyen/long terme dans le cadre de procédures de licenciement pour motif économique.
Le salarié peut participer aux négociations par le biais de ses représentants, mais également directement, dans certains cas, lorsque l’entreprise est dépourvue de représentants du personnel.
Les principaux enjeux des négociations devraient porter sur le contenu des mesures « visant à faciliter le reclassement externe des salariés », ainsi que sur le montant des indemnités versées aux salariés volontaires au départ.
Au-delà de cette négociation collective, dont le principe a été prévu par les textes, il convient de conserver à l’esprit que chaque salarié volontaire au départ conserve le pouvoir de négocier la rupture de son contrat, de manière individualisée.
Le salarié qui souhaite bénéficier d’un départ dans le cadre de cette nouvelle procédure aura tout intérêt à se faire conseiller à cette occasion, afin d’optimiser les conditions de son départ et de ne pas se contenter du contenu de l’accord collectif de rupture conventionnelle.
Un salarié ou une organisation syndicale pourra contester l’accord de rupture conventionnelle collective ainsi que la validation de l’Inspection du travail devant le Tribunal administratif.
Le salarié qui a accepté la rupture conventionnelle de son contrat de travail pourra toujours contester cette rupture dans un délai de 12 mois à compter de la date de rupture de son contrat de travail, devant le Conseil de prud’hommes. Il pourra, par exemple, soutenir que cette rupture est nulle en raison d’un vice du consentement.
Ce nouveau mode de rupture du contrat de travail est basé sur la recherche d’un accord entre l’employeur et le salarié, ce qui, par principe, limite le nombre de contentieux lié à la rupture du contrat de travail.
En revanche, d’un point de vue individuel, la diminution du nombre de contentieux est envisageable uniquement si les salariés sont satisfaits de ce mode de rupture et du montant qu’ils parviendront à négocier à l’occasion de leur départ. Il est assez peu probable que le mode de négociation collectif prévu donne satisfaction à chacun des salariés, individuellement. Seule une négociation personnalisée, initiée en bénéficiant d’un conseil, pourrait à mon sens limiter le nombre de contentieux.
Il est toutefois prévisible qu’un nouveau type de contentieux fasse son apparition, notamment en raison du risque de détournement de cette procédure à des fins économiques et du risque de discrimination de certaines catégories de salariés (notamment en raison de leur âge ou de leur état de santé).