La rupture conventionnelle peut parfois être refusée, non homologuée ou annulée. Employeurs et employés doivent éviter certaines erreurs et se poser les bonnes questions.
Avocate depuis 17 ans et spécialisée en droit du travail, Me Cécile Aiach a fondé son propre cabinet en 1999. Elle nous explique ici les erreurs à éviter dans une rupture conventionnelle aussi bien pour l'employeur que pour l'employé.
Concernant la procédure à respecter lors d'une rupture conventionnelle, voici quelques rappels :
L'employeur, comme le salarié, ont la possibilité de se faire assister lors de l'entretien préalable. Cependant, ils ne peuvent pas l'être par un avocat. Il s'agit, en fait, d'un conseiller qui vous épaule. Celu-ci peut être un représentant du personnel ou bien d’une personne que vous choisissez sur une liste dressée par l’autorité administrative. Le choix de ce conseiller peut s'avérer déterminant si votre employeur est dur en négociation et que vous ne vous sentez pas beaucoup à l'aise à l'idée de devoir l'affronter.
Le principal piège pour l’employeur consiste à utiliser la rupture conventionnelle pour régler un litige existant et ainsi éviter une procédure de licenciement.
La rupture conventionnelle suppose en effet une volonté réciproque sans contexte conflictuel, les juges n’hésitant pas à la requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse en présence d’un potentiel vice du consentement, avec toutes conséquences en termes de dommages et intérêts.
Le litige peut porter sur divers sujets :
L’employeur doit éviter de laisser toute trace de conflit préalable à la rupture conventionnelle, tel que des avertissements, lettres de recadrages (etc.) laissant supposer un véritable différend.
Une autre erreur fréquente de l’employeur consiste à utiliser ce mode de rupture pour éviter un licenciement économique. Si un plan de sauvegarde de l’emploi (ex plan social) est en cours, un départ massif par le biais de ruptures conventionnelles est un indice de détournement de la procédure de licenciement économique collectif, particulièrement protectrice des salariés. Le risque réside alors dans la requalification en licenciement économique et le prononcé de la nullité de la rupture en l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi (sanction : réintégration ou indemnité minimum de 12 mois de salaire, en plus du préavis et de l’Indemnité légale ou conventionnelle de Licenciement).
L’employeur peut encore commettre des erreurs involontaires aux conséquences tout aussi fâcheuses. Ainsi, la Cour de Cassation vient d’annuler une rupture conventionnelle qui n’avait été signée qu’en un seul exemplaire, estimant que le droit à rétractation du salarié n’était pas respecté. Sans son exemplaire de rupture conventionnelle, ce dernier ne disposait d’aucun repère pour se rétracter.
En conclusion, lorsqu’un litige potentiel existe, il est plus sécurisant pour l’employeur de procéder à un licenciement « classique », puis signer un accord transactionnel. En effet, contrairement à la rupture conventionnelle, la transaction met fin à tout litige et prive le salarié de recours ultérieur devant le juge. En cas de rupture conventionnelle, rien n’empêche en effet le salarié de saisir le conseil de prud'hommes pour demander par exemple un rappel d’heures supplémentaire ou de rémunération variable, si ce n’est la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, les parties disposent d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention pour former un recours juridictionnel. Ce n'est pas le cas en cas d'accord transactionnel qui tranche définitivement tout litige et qui évite un passage devant les tribunaux.
Les salariés étant très protégés par le Droit du Travail d’une manière générale, les erreurs sont encore ici plutôt l’apanage des employeurs !
D’après mon expérience, le principal écueil pour le salarié est de se laisser convaincre d’accepter une rupture conventionnelle qu’il ne souhaite pas vraiment, et qui lui sera en définitive moins favorable financièrement que dans le cadre plus protégé d’un licenciement.
En cas de licenciement (hors faute grave), un préavis et une indemnité légale ou conventionnelle lui sont garantis, le salarié pouvant en outre réclamer l’indemnisation du préjudice réel résultant de la perte d’emploi (minimum de 6 mois pour un salarié ayant plus de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés, dès lors que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse).
A l’inverse, l’indemnité de rupture est un «pack» qui peut donner l’illusion d’une somme importante alors qu’on arrive souvent à un montant très proche du total des sommes dues au titre du solde de tout compte. Rappelons d’ailleurs à cet égard que depuis le 1er janvier 2013, un forfait social de 20 % à la charge de l'employeur s’impute sur le montant brut de l’indemnité spécifique de rupture, moins favorable que le régime social de l’indemnité transactionnelle suivant un licenciement.
Encore une fois, c’est l’employeur qui encourt les sanctions et il n’y a pas de risque pour le salarié à ne pas formaliser sa demande. La lettre de demande de rupture n'est donc pas une obligation.
Selon moi, l’employeur doit privilégier une première approche orale afin de provoquer une première discussion informelle, et connaître ainsi l’intention du salarié. En cas de refus du salarié, une trace écrite formaliserait inutilement la situation. En cas d’accord du salarié pour discuter, la prochaine étape sera formalisée par la convocation à un 1er entretien.
La fin du contrat de travail est retardée à l’homologation, qui doit intervenir dans un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande. Même s’il est dispensé de travailler, le salarié doit être payé et son solde de tout compte (congés payés et indemnité de rupture) ne sera remis qu’après homologation.
En cas de rupture antérieure à ce délai, il existe un risque de refus d‘homologation. Le salarié peut être dispensé de travailler et payé jusqu’à l’homologation
Au départ, j’ai choisi ce métier du fait de mon attachement à une profession libre et indépendante, ainsi qu’à la défense des autres. Aujourd’hui, je trouve également passionnant de se plonger d’un univers professionnel à l’autre. Et c’est une profession très excitante, pleine de rencontres, d’aventures et de surprises dont on ne se lasse jamais.
Par exemple, dans plusieurs affaires, nous avons pu constater que les demandes de rupture conventionnelle ayant échoué débouchent souvent sur les licenciements particulièrement sanglants ! Ce fut le cas récemment d’une responsable RH ayant refusé une rupture conventionnelle pour être licenciée 3 semaines plus tard pour avoir procédé à de prétendus recrutements discriminatoires !
En pratique, la rupture conventionnelle reste un très bon mode de rupture dans le cadre des départs non conflictuels, le taux de contestation judiciaire étant faible pour l’employeur. Coté salarié, l’épreuve de la séparation est nettement moins humiliante qu’un licenciement et préserve sa confiance sur le marché du travail.
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