Qu'est-ce qu'un salarié protégé ? Bénéficie-t-il de la même législation que les autres salariés ? Durant combien de temps sont protégés ces salariés ? En cas de non-respect de leurs droits, quels sont leurs moyens d'action ?
Maître Frédéric _MATCHARADZE__ _est un avocat spécialiste en droit du travail, spécialisé plus particulièrement dans la défense des droits des salariés.
Un « salarié protégé » est un salarié auquel la loi offre une protection particulière dans l’entreprise à l’égard des décisions susceptibles d’être prises par l’employeur, protection qui se caractérise de différentes manières.
Pas tout à fait. Le salarié protégé est astreint aux mêmes obligations que n’importe quel autre salarié ; comme par exemple l’obligation de loyauté, ou l’obligation de fournir une prestation de travail durant son temps de travail disponible. Et les règles élaborées par le code du travail et par la convention collective s’appliquent à lui comme à n’importe quel autre employé : législation sur les accidents du travail, sur les congés payés, etc.
Mais s’il ne dispose pas de droits supérieurs aux autres, il dispose tout de même d’une protection spécifique pour le protéger de toute atteinte de l’employeur. Ce qui va se caractériser, par exemple, par l’interdiction pour l’employeur de modifier unilatéralement ses conditions de travail (ses horaires par exemple) ; ce qu’il pourrait faire pour d’autres salariés non protégés.
Le code du travail fixe des règles spécifiques pour protéger ces salariés, car doivent être protégées à travers eux les fonctions exceptionnelles qu’ils exercent. Les salariés protégés sont en effet des salariés titulaires de mandats de représentant du personnel (membres du comité d’entreprise, délégués du personnel, délégués syndicaux, etc.). L’objectif de la loi est de permettre à ces personnes d’exercer sereinement ces fonctions dans l’intérêt de la collectivité des salariés, sans avoir à subir de quelconques pressions de l’employeur, dont on sait qu’elles peuvent se matérialiser de manières très diverses en pratique (par exemple, en modifiant unilatéralement les tâches de travail, le lieu de travail, etc.).
La durée de la protection va varier selon les hypothèses ; pour les salariés élus, elle va durer à tout le moins tant que le mandat est exercé. Mais il est très intéressant de relever qu’elle débute avant même la prise de fonction représentative (dès qu’un salarié demande l’organisation d’élections professionnelles, ou se déclare candidat), et qu’elle persiste à l’expiration du mandat exercé, pour éviter tant que faire se peut des mesures de représailles éventuelles (6 mois pour les membres du comité d’entreprise et les délégués du personnel, 12 mois pour les délégués syndicaux, etc.).
En cas de non-respect de ces droits, l’inspecteur du travail est l’interlocuteur privilégié du salarié protégé. L’inspecteur du travail détient des pouvoirs coercitifs très importants à l’égard de l’employeur, pouvant aller jusqu’à la constatation d’une infraction et la transmission du dossier à l’autorité pénale.
Notons que la protection se caractérise par l’obligation, pour l’employeur, de demander l’accord de l’inspecteur du travail pour tout projet de modification du contrat de travail ou des conditions de travail, et bien évidemment pour permettre le licenciement du salarié.
Le salarié peut même saisir directement le juge pénal.
Les attentes aux fonctions représentatives exercées par le salarié protégé caractérisent en effet le délit d’entrave.
Le salarié protégé peut également, comme tout salarié, solliciter la juridiction prud’homale pour faire respecter ses droits.
Oui. L’employeur doit (comme le salarié d’ailleurs) exécuter le contrat de travail de bonne foi et loyalement (article L 1222–1 du code du travail, et article 1134 du Code civil). Le non-respect par l’employeur des dispositions applicables au salarié protégé peut entraîner sa condamnation à payer des dommages et intérêts à ce titre ; de la même manière que pour n’importe quel autre salarié.
Le juge sera bien entendu d’autant plus rigoureux à l’égard de l’employeur s’agissant des salariés protégés, car à travers eux, c’est bien aux mandats exercés que l’employeur aura porté atteinte.
Par ailleurs le délit d’entrave peut entraîner la condamnation de l’employeur à payer des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi ; et un syndicat peut d’ailleurs intervenir dans la procédure pour demander lui-même, également, une telle réparation.
Enfin, il faut préciser que les sanctions sont particulièrement lourdes lorsque l’employeur ne respecte pas les règles relatives au licenciement du salarié protégé, et notamment en cas de licenciement sans autorisation de l’inspecteur du travail. Les sanctions peuvent aller jusqu’à la nullité du licenciement, et à l’obligation pour l’employeur de régler les salaires qui auraient dû être perçus par le salarié protégé jusqu’à la fin de sa période de protection. Tel sera ainsi le cas lorsque l’inspecteur a autorisé dans un premier temps le licenciement, que le salarié protégé a été licencié, mais que l'autorisation accordée à l'époque par l'inspecteur du travail a été par la suite annulée suite au recours formé contre elle.