Qu'est-ce qu'une modification du contrat de travail ? L'employeur peut-il modifier librement un contrat de travail ? Quelle procédure l'employeur doit-il respecter ? Que risque le salarié en cas de refus ?
Titulaire d’un DEA de droit social et d’un Magistère de droit social, Maître Anne REBIERRE, qui est inscrite au Barreau de PARIS depuis 1999, a exercé, exclusivement dans ce domaine, au sein de plusieurs cabinets d’avocats parisiens.
Après avoir été associée co-fondateur du Cabinet Alterlex pendant plus de cinq ans, elle a choisi l’exercice individuel en 2013 pour continuer à intervenir en droit du travail et en droit de la Sécurité Sociale, tant en conseil qu’en contentieux, dans une relation de proximité avec ses clients salariés et employeurs.
En application de l’article 1134 du Code Civil, le contrat de travail est un accord de volonté qui tient lieu de loi entre les parties.
Modifier le contrat de travail consiste, pour l’une ou l’autre des parties au contrat, à opérer un changement dans une ou plusieurs dispositions prévues à l’origine de la relation contractuelle : fonctions du salarié, rémunération, lieu de travail, durée et/ou horaires de travail…
De façon quasiment exclusive, la modification du contrat sera le fait de l’employeur, qui, dans le cadre de son pouvoir de gestion et d’organisation, souhaitera adapter les modalités d’exécution des missions des salariés aux évolutions imposées à l’entreprise.
Jusqu’en 1996, la chambre sociale de la Cour de Cassation distinguait la « modification substantielle » et la « modification non substantielle » du contrat de travail.
Par deux arrêts du 10 juillet 1996, cette solution est abandonnée au profit de la distinction entre « modification du contrat » et « changement des conditions de travail ».
La qualification de « modification du contrat » est désormais réservée aux mesures qui portent sur les éléments fondamentaux du contrat de travail.
Par opposition, les autres mesures ne relèvent pas du domaine contractuel proprement dit, mais du pouvoir de direction de l’employeur.
Selon qu’elles constituent une modification du contrat de travail ou un simple changement des conditions de travail, les mesures prises par l’employeur emportent des conséquences radicalement différentes pour le salarié (hors le cas des salariés protégés).
En effet :
Il est donc fondamental de déterminer à quelle catégorie appartient la mesure concernée.
En premier lieu, il faut s’attacher à la lecture du contrat de travail pour vérifier la présence de clauses contractuelles :
Il est également nécessaire d’examiner la convention collective applicable dans l’hypothèse où elle contiendrait des dispositions spécifiques sur la modification de l’élément envisagé.
Lorsque le contrat de travail et la convention collective ne prévoient rien, la distinction entre un élément contractuel et un élément non contractuel pourrait sembler aisé si l’on considère que tout ce que contient le contrat de travail, et uniquement cela, est contractuel. Mais une telle définition n’est pas totalement satisfaisante, ne serait-ce que parce de nombreux salariés ne disposent pas de contrat écrit, ce qui n’empêche pourtant pas le contrat de travail d’exister pleinement.
Il faut donc distinguer :
La rémunération est considérée comme un élément essentiel du contrat. La notion de rémunération contractuelle vise le montant lui-même, la structure de la rémunération et les modalités de calcul. Ces éléments ne peuvent donc être modifiés sans l’accord du salarié, même si la modification semble mineure ou apparaît favorable au salarié.
Qualification
La qualification professionnelle d’un salarié s’analyse également en un élément du contrat de travail, étant précisé qu’elle s’apprécie au regard des fonctions réellement exercées par le salarié.
Temps de travail
La durée du travail d’un salarié à temps complet, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié.
Lieu du travail
En l’absence de mention particulière dans le contrat, relative au lieu d’exécution du travail, la jurisprudence a créé la notion de secteur géographique pour apprécier la portée d’un changement du lieu de travail :
Horaires de travail
Les horaires de travail relèvent en principe du pouvoir de direction de l’employeur, qui peut ainsi imposer au salarié à temps complet une nouvelle répartition de ses horaires au sein de la journée ou de la semaine.
Toutefois, le réaménagement des horaires de travail obéit au régime de la modification du contrat de travail subordonnée à l’accord du salarié :
Tâches
Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut faire évoluer les tâches effectuées par le salarié, mais à la condition que la modification n’ait aucune incidence sur sa qualification professionnelle.
L’analyse sera donc différente selon que l'ajout et/ou le changement des tâches du salarié remettent ou non en cause la qualification ou le statut du salarié.
L’employeur peut imposer unilatéralement et sans aucun formalisme un simple changement des conditions de travail du salarié.
Lorsqu’il s’agit d’une modification du contrat de travail, l’employeur est tenu de recueillir l’accord préalable du salarié, selon une procédure différente selon que la modification envisagée repose sur un motif économique ou sur un motif personnel.
L’employeur peut proposer à un salarié une modification d’un élément essentiel du contrat de travail en raison de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de la mise en œuvre d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
Dans ce cas, la modification du contrat de travail doit respecter le formalisme prescrit par l’article L 1222-6 du Code du travail, qui prévoit que :
Modification pour motif personnel / disciplinaire
L’employeur peut également envisager une modification du contrat de travail d’un salarié pour un motif personnel, et éventuellement disciplinaire s’il a commis une faute.
Même lorsqu’il s’agit de sanctionner le salarié, l’employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail. Il doit l’informer de sa faculté d’accepter ou de refuser la sanction qui emporterait modification du contrat.
Sauf disposition conventionnelle contraire, la proposition de modification du contrat pour motif personnel n’est soumise à aucune règle de forme. L’employeur doit toutefois laisser au salarié un délai suffisant pour faire connaître son acceptation ou son refus.
Il ne peut résulter du silence du salarié ni un refus ni une acceptation, un accord exprès étant toujours nécessaire en cas de modification du contrat de travail pour motif personnel. En cas d’acceptation, un avenant au contrat actant de l’accord du salarié devra être conclu.
Si le salarié refuse la modification de son contrat de travail proposée par l’employeur, deux situations peuvent être envisagées :
Le refus du salarié d’accepter la modification de son contrat de travail n’étant pas en lui-même constitutif d’une faute, l’employeur devra invoquer, à l’appui du licenciement, le motif – personnel ou économique - à l’origine de la proposition de modification.
Si le salarié refuse un simple changement de ses conditions de travail, il s’expose à un licenciement disciplinaire, quel que soit le motif – personnel ou économique - ayant présidé à ce changement, dès lors que ce refus s’analyse en un acte d’insubordination ou un manquement aux obligations contractuelles de l’intéressé.
Le licenciement pour faute grave est même fréquemment admis, même s’il n’est pas systématique : pour qualifier la gravité de la faute du salarié concerné, l’employeur devra tenir compte des éléments liés à sa personne (ancienneté, situation de famille…).
Ainsi, dans tous les cas, il est indispensable de procéder à une analyse fine de la qualification de la modification envisagée (tant pour l’employeur qui entend l’appliquer que pour le salarié qui y est confronté), comme de la procédure à mettre en œuvre.