Il existe divers modes de ruptures collectifs des contrats de travail. La loi Travail de 2017 en a créer un nouveau : la rupture conventionnelle collective. Qu'est-ce donc ? Comment ce dispositif sera utilisé ? Quels avantages bénéficieront les salariés ? Est-ce la fin des PSE et autres dispositifs ? Maître Christophe Noel, avocat au barreau de Paris nous fait l'honneur d'analyser ce dispositif !
Je suis Avocat inscrit au Barreau de Paris depuis plus de vingt ans et j’ai un cabinet secondaire à Annecy pour tous le contentieux social en région Rhône-Alpes. Mon activité est surtout judiciaire, dans le cadre de recours en justice suite à des conflits au travail (harcèlement moral ou sexuel, discrimination, licenciement abusif, droit pénal du travail, faute inexcusable).
À côté des modes traditionnels de ruptures du contrat de travail que sont principalement le licenciement et la démission, la loi du 25 juin 2008 a créé la rupture conventionnelle, qui est un mode de rupture amiable du contrat de travail à durée indéterminée, susceptible de profiter à tous les salariés, y compris les salariés protégés.
L'employeur et le salarié doivent convenir du principe de la rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens.
La convention de rupture définit les conditions de la rupture, à savoir :
À compter du lendemain de la signature de la convention, dont un exemplaire doit être remis au salarié, chacune des parties dispose de 15 jours calendaires pour revenir sur sa décision.
Une demande d'homologation, qui peut s'effectuer sur internet, est adressée à la DIRECCTE ; s’il s’agit d’un salarié protégé, une demande d’autorisation doit être adressée à l’inspecteur du travail.
La date de rupture du contrat de travail ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’autorité administrative.
Les avantages de ce mode de rupture sont la simplicité de sa mise en œuvre et le fait que les salariés bénéficient des allocations de chômage. Le succès des ruptures conventionnelles explique d’ailleurs en partie la baisse considérable (de l’ordre de 40%) du nombre de litiges soumis aux conseils de prud’hommes.
Les inconvénients de ce mode de rupture sont pourtant nombreux :
L’ordonnance du 22 septembre 2017 a instauré un nouveau mode de rupture du contrat de travail, qui peut intervenir dans le cadre d'un accord collectif portant rupture conventionnelle collective (RCC).
La RCC n'aura pas juridiquement à être motivée et sa validité sera subordonnée à la conclusion d'un accord collectif prévoyant « les modalités et conditions d'information du comité social et économique sur le projet envisagé ».
Les mesures que doit contenir l'accord collectif instituant la RCC, fixées par le nouvel article L. 1237-19-1 du Code du travail, sont les suivantes :
L'accord portant rupture conventionnelle collective est soumis au contrôle de l'Administration. Une telle règle, empruntée au droit des licenciements collectifs pour motif économique, n’est pas nouvelle.
Il faut tout de même noter une différence décisive avec la rupture conventionnelle individuelle, en ce que ce n'est pas la convention de rupture qui sera contrôlée (homologation) mais l'accord collectif instituant la RCC (validation) : seule l'exécution des mesures prévues dans l'accord collectif pourra faire l’objet d’un recours devant le juge prud'homal.
Selon l'article L. 1237-19-8, le recours portant sur l'accord lui-même, son contenu et la régularité de la procédure est porté devant le tribunal administratif, comme pour le PSE.
Quel sera le sort des ruptures intervenues en cas d'annulation de la décision de validation par le juge administratif ?
La réforme ne le dit pas, ce qui constitue une grave incertitude.
Dans la pratique, l'employeur devra conduire une double négociation : l'une avec les élus ou les syndicats représentatifs dans l'entreprise, l'autre avec l'administration du travail afin d'éviter un refus de validation.
Une fois l'accord collectif validé par l'Administration, le salarié aura la faculté de déposer une offre d'adhésion. L’acceptation par l'employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la RCC emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord, sans formalisme particulier.
Précision importante : les salariés qui optent à la RCC sont éligibles aux allocations-chômage (C. trav., art. L. 5421-1), comme pour la rupture conventionnelle individuelle.
Enfin, les articles L. 1237-19-9 et suivants du Code du travail prévoient un dispositif de revitalisation auquel doit contribuer l'entreprise qui emploie au moins 1 000 salariés ou qui appartient à un groupe de cette dimension, dès lors que les suppressions d'emplois résultant de l'accord collectif affectent, par leur ampleur, l'équilibre du ou des bassins d'emploi dans lesquels elle est implantée.
La RCC mise en place par voie d'accord collectif constitue un nouveau cas de mobilité volontaire qui s'ajoute aux dispositifs existant, établis dans le cadre d'un PSE ou de la GPEC.
La question qui se pose est celle de savoir si la RCC ne va pas remplacer - dans la pratique - les plans de départ volontaire.
Rappelons qu’en vertu de la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation, il existe deux types de plans de départs volontaires :
S’inspirant de la jurisprudence de la cour de cassation concernant les plans autonomes, la loi travail prévoit que la RCC est réservée aux ruptures « excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois » (C. trav., art. L. 1237-19).
En pratique, les RCC vont donc certainement remplacer les PDV autonomes. Il ne restera que les plans de départs volontaires s'inscrivant dans le cadre de procédures de licenciement pour motif économique visant précisément à éviter des licenciements.
L’idée de la RCC vient du MEDEF, rappelons le, de sorte que c’est clairement un avantage pour les employeurs pour les raisons précitées. Pour les salariés en revanche, ce dispositif ne change pas grand-chose par rapport aux plans de départ volontaire.
Effectivement, s’il est éligible à la RCC, le salarié pourra déposer une offre d'adhésion. L’acceptation par l'employeur emportera alors la rupture du contrat de travail d'un commun accord. Le salarié protégé peut également en bénéficier sous réserve d'obtenir une autorisation de l'inspection du travail (C. trav., art. L. 1237-19-2).
Toutefois, si l'employeur reçoit la candidature alors même que le nombre maximum de suppressions de postes est déjà atteint, il pourra la rejeter.
En revanche, si le salarié volontaire au départ remplit toutes les conditions prévues par l'accord validé, l'employeur semble être lié et son éventuel refus pourrait alors être à l’origine d’un recours devant le juge judiciaire.
Quant à la « pression » exercée par les employeurs, il est difficile d’en faire une généralité, même si elle existe le plus souvent.
Oui, très clairement, car la rupture conventionnelle collective des contrats de travail va permettre aux entreprises de ne plus appliquer les règles du licenciement pour motif économique pour organiser les départs volontaires de leurs salariés.
En définitive, le législateur veut favoriser les modes de rupture d'un commun accord au détriment des modes de rupture plus classiques que sont la démission et le licenciement.
La RCC constitue encore un avantage pour les employeurs, qui s’ajoutent à tous les autres déjà fort nombreux qu’ils ont obtenus avec la loi travail : plafonnement du montant des condamnations aux prud’hommes, CDI de chantier, règles du CDD fixées par une convention ou un accord de branche étendu, délai de prescription de l'action relative à la rupture du contrat fixé à 12 mois pour tous les licenciements, restriction du périmètre d'appréciation du motif économique dans les groupes, disparition des DP, du CE et du CHSCT au profit du comité social et économique (CSE).
Or, la réussite d’une réforme implique qu’elle soit équilibrée, ce qui n’est manifestement pas le cas de la loi travail.
Christophe Noel
Avocat en droit du travail : www.christophenoel.com
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