En France, nombreuses sont les offres d’emploi, qui affichent haut et fort « Salaire sur 13 mois ». Lors des entretiens, quand est abordée la question de la rémunération, les recruteurs n’hésitent pas à insister sur ce paramètre, et à le mettre en valeur pour susciter l’intérêt de leur interlocuteur. Et pour cause, le treizième mois est un élément bien souvent envié par ceux qui n’en bénéficient pas. Mais derrière cette vitrine, se cache parfois une réalité bien différente. Le treizième mois serait-il un simple appât, une façon attractive de présenter les choses ? Le salarié est-il réellement gagnant ? Et si c’était plutôt l’entreprise qui en tirait des bénéfices? Ajoutez à ces interrogations l’absence totale de législation en la matière, et vous obtenez un sacré fouillis. Essayons de décortiquer ce fameux « treizième mois ».
L’application du 13ème mois : au bon vouloir de l’employeur
Il suffit d’aller naviguer quelques minutes sur les forums de discussion consacrés au treizième mois pour constater l’ampleur du désordre. Faute de législation, et c’est normal, chaque entreprise l’utilise et l’applique à sa façon. Résultat, pour certains, le 13ème mois n’est versé qu’aux salariés présents dans l’entreprise au 31 décembre. Pour d’autres, il faut avoir un an d’ancienneté pour espérer toucher ce précieux bonus. Chez les uns, il est versé en deux fois, une fois en juin, une fois en décembre, chez les autres en une seule fois. Enfin, au-delà de 10 jours d’absences, certains se voient intégralement privés du versement de ce treizième mois.
Le treizième mois n’est autre qu’une prime, versée par certaines entreprises à leurs salariés, qui correspond à un mois de salaire. Jusque là, tout est clair. Cette prime peut-être définie dans une convention collective, un accord de branche, un contrat de travail, mais l’entreprise dispose d’une grande liberté d’action en ce qui concerne sa mise en œuvre. Rien, dans le code du travail, n’est prévu à son égard. Une liberté d’application dont sait tirer profit l’entreprise, notamment dans la gestion de ses ressources humaines.
Le 13ème mois, un outil marketing ?
Tout commence en phase de recherche d’emploi. Même si elle n’en constitue pas toujours l’élément de motivation premier, chacun d’entre nous prête nécessairement attention à la question de la rémunération. Les recruteurs l’ont bien en tête, et n’hésitent pas à afficher, dans les conditions d’embauche, le fameux « treizième mois ». Au delà de cet avantage financier incontestable à première vue, il convient de s’interroger sur la vocation réelle de cet élément de rémunération : Qu’est ce que nous prouve que sans ce treizième mois, nous ne serions pas payés davantage chaque mois ?
Prenons un exemple simple : Si l’on est payé 25 000 euros brut /an, sur 13 mois avec un versement au 31 décembre, cela revient à un salaire mensuel de 1923€ brut, avec une prime du même montant versée en décembre, ce qui double le dernier salaire de l’année. Si l’on est payé 25 000€ brut /an, sans treizième mois, on touche un salaire mensuel de 2083.33€, soit 160.33€ de plus. L’employeur verse finalement le même salaire, mais le répartit juste différemment. Dans ce cas, on peut s’interroger sur l’intérêt réel du treizième mois : vaut-il mieux avoir un petit peu plus chaque mois, ou doubler uniquement son salaire en fin d'année ? Dans ce cas, même si la stratégie de l'entreprise est bien pensée (les fêtes ayant lieu en fin d'année...) la tentation qui consiste à croire que l’on gagnera plus en étant payé sur 13 mois est un leurre. Une sorte de merchandising appliqué au recrutement…
A qui profite le 13ème mois ?
La prime de treizième mois est parfois versée sous condition de présence dans l’entreprise. De fait, ceci bouscule l’idée reçue selon laquelle le 13ème mois serait une « faveur » accordée aux salariés. Dès lors, cet « avantage » apparent se transforme en « carotte », puisque l’entreprise se sert du treizième mois pour lutter contre l’absentéisme, chaque jour d’absence entraînant la réduction de la prime. Dans cette configuration, le treizième mois est un véritable outil de GRH, et profite au moins autant à l’employeur qu’à l’employé. Il convient toutefois de préciser que seules les absences ne donnant pas lieu à un maintien de salaire (hors congés payés, RTT…) peuvent donner lieu à un abattement de la prime de treizième mois.
Conclusion
Présenté au premier abord comme un avantage pour le salarié, le treizième mois recouvre donc des enjeux plus larges, et l’absence de législation en la matière incite les entreprises à l’appliquer à leur manière pour en tirer profit. Cela ne veut pas dire qu’une entreprise qui vous accorde un treizième mois tente de vous « duper », bien au contraire. Certaines entreprises ont même pour stratégie de veiller à « bien traiter » leurs salariés. Il est néanmoins intéressant de se pencher sur son utilisation et ses bénéficiaires, qui ne sont pas toujours ceux que l’on croit.