Quand un employeur accepte-t-il une rupture conventionnelle demandée par un employé ? Les employeurs abusent-ils de la rupture conventionnelle ? Comment se passent les demandes de nullité ? Alain Colard, nous explique tout dans cette interview.
Alain Colard a une longue carrière de DRH à son actif avec deux grandes étapes successives: 10 ans en tant que DRH régional dans le groupe Auchan, puis 19 ans au sein du groupe d’études et de conseil Sofres, devenu TNS puis WPP suite à des changements de contrôle successifs. En parallèle, il a occupé les fonctions de conseiller prud’homal pendant 16 ans, président de section puis président général du Conseil. C’est à ces deux titres qu'il a eu à recourir depuis leur mise en œuvre aux ruptures conventionnelles. Au sein de l’entreprise d’une part, de façon assez régulière (cf. les demandes ci-dessous) et devant le CPH où il a eu à entendre de façon plus rare des tentatives de contestations, souvent tardives, venant de salariés prétendant à l’annulation pure et simple de leur rupture conventionnelle ou à des indemnités supplémentaires.
Revenons au cadre pur de l’entreprise. Dans ce contexte, à tout le moins au début de la mise en œuvre de ce nouveau mode de rupture, j’ai reçu bon nombre de demandes émanant de salariés, souhaitant quitter l’entreprise pour des raisons personnelles, pour lesquelles je n’avais aucune raison d’engager une procédure de licenciement, mais qui permettaient au collaborateur de pouvoir prétendre aux allocations chômage. J’ai toutefois toujours veillé à ce que l’échange soit gagnant-gagnant pour les 2 parties.
Coté employeur, l’initiative de la mise en œuvre du dispositif a été plutôt rare, car j’ai toujours considéré que si l’entreprise avait un réel motif de rompre le contrat, elle devait respecter les procédures classiques de licenciement, pour motif personnel ou économique.
Non, je ne puis dire que je sois enclin à faire droit à toutes les demandes des salariés. Comme je viens de l’indiquer, il faut au bout du compte un échange « Win Win ». N’oublions pas que l’employeur doit à minima verser les indemnités légales ou conventionnelles, ce qui peut s’avérer fort cher selon l’ancienneté du salarié. Très souvent malheureusement, le salarié demandeur n’étant pas des plus productifs ni motivé, c’est en cela que l’entreprise peut espérer à tout le moins le remplacer par un nouveau collaborateur plus efficace.
Effectivement, c’est un cas de figure assez fréquent. Pour ma part, je considère que l’employeur n’a pas à financer tout ou partie du projet du salarié via les indemnités correspondantes, ni d’ailleurs à alourdir abusément le déficit des allocations chômage.
Le congé pour création d’entreprise ne correspond qu’à l’autorisation d’absence et répond donc partiellement aux attentes de l’éventuel créateur d’entreprise.
Juridiquement, il reste possiblede signer une rupture conventionnelle quand un différend existe entre un employeur et un salarié pour autant que dans la rédaction de cette rupture, il soit bien mentionné que l’indemnité négociée avec le salarié englobe la totalité des litiges nés ou à naître. Mais je ne recommande pas cette pratique dangereuse, compte tenu du risque de contestation postérieurement à la signature.
Les avocats recommandent aux employeurs qui proposent une rupture conventionnelle de le faire à l'oral et non par écrit et c’est un excellent conseil que j’ai toujours suivi. Cessons de penser que le salarié est démuni face au grand méchant employeur. Il a, à juste titre, le droit de se renseigner durant les phases de discussions préalables, mais celles-ci doivent rester orales, et si possible confidentielles.
Comme je l’ai indiqué, j’ai vécu ce genre de contestation en tant que juge prud’homal. Les éventuels motifs recevables sont les mêmes que pour une transaction au sens propre. Les revendications peuvent porter sur l’annulation de la rupture (plutôt rare), sur le quantum des indemnités versées (peu de risque si l’entreprise a respecté les obligations minimale, voire mieux) ou sur des vices de consentement (dol, violence…). Je rappelle que c’est au demandeur d’apporter la preuve de ce qu’il prétend. L’employeur doit donc répondre au cas par cas aux arguments avancés par le salarié selon le type de contestation.
Il faut savoir que dans ma juridiction, aucune de des demandes de nullité demandée par un salarié n’a prospéré au profit du salarié.
En conclusion
Pour conclure, je dirais simplement que la rupture conventionnelle est une excellente chose qui ouvre une 3ème voie à la rupture d’un contrat de travail. Entre démission et licenciement, elle a un vrai rôle à jouer, à condition de ne pas en abuser en lieu et place des procédures existantes précédemment.