Le burn-out est abordé par l'angle de la pathologie en elle même, mais qu'en est-il de l'aspect juridique et des problématiques, qui y sont attachées ? Actuellement le burn-out n'est pas reconnu comme une maladie professionnelle, devrait-il l'être ? Comment faire reconnaître son burn-out devant un tribunal ? Autant de questions qui méritaient une réponse, trouvée auprès de Maître Laure Labarrière dans cet entretien.
Maître Laure Labarrière est avocate généraliste, inscrite au barreau de Libourne, disposant d'une compétence spécifique en droit social, où elle intervient auprès des salariés, des entreprises et des représentants du personnel tant en matière de conseil juridique que d’activité judiciaire et enfin de formation professionnelle qu'elle anime régulièrement depuis 10 ans auprès de WOLTERS-KLUWER France.
La maladie professionnelle répond à des critères bien spécifique selon le code de sécurité sociale. Soit on entre dans le cadre des tableaux fixés par ce même code, soit on s’engage dans un parcours auprès de la CPAM et du CRRMP(Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles). Un des premiers réflexes à avoir lorsque l’on tombe malade et que l’on estime que cette maladie est en lien avec son travail et donc de vérifier si la pathologie relève d’un tableau de maladie professionnelle.
Non, le burn-out n’est pas une notion juridique à proprement parler et n’a donc malheureusement aucune définition légale.
Il peut toutefois entrer dans la notion de harcèlement moral qui est définie en ses termes par le code du travail :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »(article L1152-1 du c.trav).
Il peut aussi et surtout être reconnu comme maladie professionnelle et ouvrir droit à des prestations particulières auprès de la CPAM (prestations en espèces/rente ou capital) et à un recours particulier auprès du Tribunal des Affaires de sécurité sociale en matière de faute inexcusable de l’employeur.
Depuis la Circulaire Cnamts 19/2016 du 13-10-2016, les conditions sont désormais assouplies pour une telle reconnaissance :
"A l'heure actuelle, en application de l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, l'assuré qui demande la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie doit fournir une déclaration accompagnée d’un certificat médical, dit certificat médical initial (CMI), établi par un médecin décrivant sa maladie et faisant état du lien possible avec son activité professionnelle."
Le décret du 7 juin 2016 modifie cet article sur deux points :
Les souffrances morales telles le burn-out, peuvent dépendre de facteurs multiples et variés, parfois en lien avec le vécu personnel de chacun et un contexte d’ordre privé propre qui peut venir s’ajouter à l’épuisement professionnel subi. Une définition juridique pourrait avoir le mérite d’une véritable reconnaissance de cette souffrance en tant que maladie professionnelle facilitant le parcours administratif et juridique des salariés mais pourrait aussi présenter l’inconvénient d’exclure certaines personnes du diagnostic médical pourtant justifié.
Le droit permet de faire sanctionner une situation abusive et d’obtenir une reconnaissance du statut de victime. S’adresser au juge prud’homal ou au juge des affaires de sécurité sociale en cas de maladie professionnelle permet d’être entendu dans sa souffrance.
Toutefois il ne faut surtout pas laisser de côté l’aspect santé dans ce type de situation.
A côté d’un accompagnement dans ses droits, il faut aussi déployer tous les outils médicaux nécessaires à la protection de la santé et aussi nécessaires à la preuve qui devra être apportée au juge (faire le point avec son médecin traitant, avec un service de pathologie professionnelle auprès des CHU, avec la médecine du travail notamment).
S’informer sur les accords qui peuvent exister dans son entreprise concernant les risques psycho-sociaux pour voir quels outils d’alerte en interne je peux utiliser.
Contacter les représentants du personnel pour faire remonter la situation mal vécue.
Ne pas hésiter à consulter son médecin traitant lorsque des signes de troubles apparaissent (anxiété, irritabilité, émotivité inhabituelle, troubles du sommeil, de l’appétit….par exemples).
A noter que l’arrêt de travail est prescrit par le médecin traitant or la qualification de maladie professionnelle dépend exclusivement de la caisse de sécurité sociale. Il faut donc se méfier du terme « burn-out » inscrit sur un arrêt de travail. Il faut être en mesure de collecter des indices écrits sur ce qu’on a vécu dans l’entreprise (mails, notes, etc.)
L’employeur est légalement soumis à une obligation de sécurité de résultat (L4121-1 et suivants du code du travail).
Dans un contexte de burn-out il est possible de qualifier un manquement à cette obligation.
Néanmoins tout dépend de ce que vous attendez : les choses seront appréhendées différemment si vous souhaitez vous maintenir dans votre emploi, guérir et reprendre un emploi dénué de tout risque ou si vous souhaitez en terminer et voir votre employeur sanctionné et la rupture de la relation de travail imputée à ses torts.
Chaque attente mérite un examen particulier pour définir la stratégie de sortie de crise la mieux adaptée possible car il ne faut pas oublier qu’un procès est une démarche longue et une épreuve supplémentaire sur le plan moral.