L'entretien annuel

L’entretien annuel : un ex évalué devenu évaluateur

Jean Marchal a été durant une vingtaine d'années DRH à France Telecom et dans différentes filiales du groupe. Il est aujourd'hui chargé de Mission RH au Ministère de l'Economie et des Finances.Au cours de sa longue carrière, il a été plus que quiconque confronté à l’entretien annuel d'évaluation. En tant qu’évalué, d’abord, puis en tant qu’évaluateur, et enfin en tant que responsable de leur mise en place chez France Telecom. En revenant sur son parcours, il nous dévoile des facettes méconnues de l’entretien annuel d’évaluation.

Quand l’entretien annuel se transforme en entretien de licenciement

« L’entretien annuel n’a pas pour finalité de licencier. Mais de mauvais résultats clairement établis, année après année peuvent conduire un chef d’entreprise à valider des licenciements »

A 23 ans, j’ai commencé à travailler en tant qu’ingénieur junior chez Schlumberger, l’une des plus grandes multinationales de services pétroliers, dans une antenne au Koweit. Nous sommes en 1975, et c’est ici que j’ai eu une première expérience d’un entretien annuel d'évaluation…Qui s’est avéré être un entretien de licenciement !

Mais Schlumberger fait très bien les choses et je n’ai aucun regret. C’est une très bonne entreprise, qui paye bien, mais clairement, je n’étais pas fait pour travailler dans le désert.  A 23 ans, on ne sait pas forcément ce que l’on souhaite ou ce que l’on ne souhaite pas. Je suis donc revenu en France lesté d’un confortable paquet d’US dollars et chaque fois que je vois affiché le nom de Schlumberger overseas SA, c’est un excellent souvenir, et je leur dois beaucoup.

Tout ceci pour vous dire qu’un entretien de licenciement, un peu sec, quand même, mais fait de façon claire et juste, avec une bonne indemnisation, il n’y a rien de mieux, toutes choses mises bien à plat, et bien sûr, quand on n’a pas de charges de famille, pas d’emprunt sur le dos…

L’entretien annuel n’a pas pour finalité de licencier, mais de mauvais résultats clairement établis, année après année peuvent conduire un chef d’entreprise à valider des licenciements.Il y a donc toujours une épée de Damoclès qui est suspendu au dessus de la tête du salarié, dès lors que celui-ci a des charges familiales auxquelles il ne peut se soustraire.

L’entretien annuel d'évaluation dans l’éducation nationale

« La problématique de l’entretien annuel d’évaluation dans l’Éducation Nationale mérite certainement d’être étudiée de près ! »

J’ai travaillé ensuite trois mois au Ministère de l’Éducation Nationale comme professeur, au lycée les Pannevelles à Provins (Seine et Marne). Je disposais du diplôme adéquat, ingénieur bâtiment, mais je n’avais aucun sens de la pédagogie. Néanmoins, j’aimais beaucoup les élèves qui me le rendaient bien, car en fait, ils avaient en moyenne deux ou trois ans de moins que moi et dans le bâtiment, en première et terminale, ils veulent vraiment apprendre (en 1975).

L’éducation Nationale n’a pas d’entretien annuel, pour ses enseignants, mais une « visite d’inspection ». La visite a été moyenne. Il n’y a eu qu’un retour écrit. La problématique de l’entretien annuel  dans l’Éducation Nationale mérite certainement d’être étudiée de près !

Mise en place des entretiens annuels chez France Télécom

Je fais l’ENA par la voie interne, et j’en sors en 1986. J’occupe un poste de directeur commercial à Orléans, et France Telecom s’est lancé dans les entretiens annuels. Je suis chargé de les mener, avec mes nombreux collaborateurs, car la réussite à ce concours difficile propulsait la carrière, à cette époque.

Puis en 1989, je suis nommé DRH dans l’Essonne pour France Telecom, et mon rôle est de généraliser                « l’entretien de progrès » (c’est comme cela que l'on nommait l’actuel « entretien annuel »), pour 2 500 agents et 250 cadres. Malgré les difficultés, d’importants programmes de formation ont été lancés, avec des moyens financiers considérables.

A cette époque, la majorité des salariés étaient des fonctionnaires (165 000 fonctionnaires et quelques milliers de contractuels (équivalent de CDI)), concentrés dans le domaine de la recherche et du développement. La diversité des contrats provoque forcément une complexification de la tâche.

Une dizaine d’années plus tard, le nombre de CDI, CDD a nettement crus. Et la mise en place de ces entretiens annuels, avec notamment l’intégration des programmes de formation, y est pour beaucoup.

L’entretien annuel au ministère de l’économie et des finances

« Dans un Ministère, la culture Fonction Publique, traditionnellement protectrice pour le fonctionnaire donne des garde-fous qui peuvent manquer, parfois, dans des entreprises privées soumises aux contraintes économiques que nous constatons tous les jours. »

Dans la fonction publique, contrairement à ce qui se passe en entreprise, la rémunération ne dépend quasiment pas de la performance,  qu’elle soit Fonction Publique d’Etat, Territoriale ou bien hospitalière.

Cela aurait pu me paraître particulièrement rétrograde, il y a une trentaine d’années. Aujourd'hui, à la réflexion, il me semble qu’une fonction publique peut être de qualité, même lorsque la motivation du fonctionnaire n’est pas liée à une prime de rendement, de productivité par ailleurs difficile à évaluer correctement.

Il y a quelques mesures qui sont mises en place, timidement, mais rien de ce que j’ai pu constater au sein du groupe France Telecom (maintenant Orange), qui a été mis en place avant les années 2000, et qui bien sûr perdure aujourd'hui.


Conclusion

Il n’y a aucun doute sur l’utilité d’un entretien de progrès, annuel, dans la fonction publique. En gros un temps pour un agent qui lui est consacré sur un examen de ses résultats effectifs, car la seule justification d’une entreprise est la création de valeur ajoutée. Il est normal que la contribution à la création de cette valeur ajoutée soit mesurée individuellement.